L'engrais fait pousser bien plus que des céréales. La demande est si forte qu'il fait pousser des profits, et des grands!

L'engrais fait pousser bien plus que des céréales. La demande est si forte qu'il fait pousser des profits, et des grands!

Trois jours après être devenue l'entreprise canadienne avec la capitalisation boursière la plus élevée (62,5 milliards) -dépassant la Banque Royale [[|ticker sym='T.RY'|]] et les entreprises du secteur de l'énergie- le fournisseur d'engrais Potash Corp. [[|ticker sym='T.POT'|]] a fait état jeudi de résultats records pour le premier trimestre de 2008.

Profitant d'une explosion mondiale des prix des fertilisants, la société de Saskatchewan a presque triplé ses bénéfices par rapport au premier trimestre de 2007.

Le géant mondial, qui produit des engrais à base d'azote, de potasse et de phosphore, annonce un bénéfice net de 566 millions de dollars, une hausse de près de 185%. Le chiffre d'affaires a augmenté de 63% pour atteindre 1,89 milliard.

Potash Corp., comme les autres grands du secteur (Agrium et Mosaic, notamment), profite de la très forte demande pour les céréales, surtout dans des pays en développement comme la Chine, l'Inde et le Brésil.

Partout dans le monde, les fermiers veulent amplifier leur production pour profiter des prix élevés.

La production de maïs pour faire de l'éthanol croît à un rythme fulgurant aux États-Unis, gonflant d'autant la demande pour les engrais.

Celle-ci est telle que les fournisseurs ont de la difficulté à maintenir l'offre à un niveau suffisant. Les prix explosent.

La semaine dernière, les producteurs de potasse de Saskatchewan ont conclu une entente avec un important acheteur chinois.

L'entente prévoit que le prix de la potasse passera à 576$US la tonne, une augmentation de 400$US en un an.

Potash Corp. a donc revu à la hausse ses prévisions de résultats et entrevoit un bénéfice par action autour de 10$ en 2008, alors qu'elle prévoyait initialement un bénéfice entre 6,25 et 7,25$.

L'action de Potash Corp. a clôturé à 196,90$ hier à la Bourse de Toronto, une chute de 9,60$. C'est tout de même largement au-dessus du minimum atteint au cours des 12 derniers mois. Au début mai 2007, l'action s'échangeait à 65,46$.

La facture aux producteurs

Au Canada, le prix de l'engrais a augmenté de 20% en 2007, atteignant des sommets, et Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) prévoit une augmentation semblable pour 2008.

Ce n'est pas de bon augure pour les cultivateurs canadiens, qui consacrent 8,4% de leurs dépenses de ferme aux engrais, selon des données publiées à la fin du mois de mars par AAC.

«Plutôt que de profiter pleinement de la hausse du prix des grains, ça ramène nos marges au niveau qu'on a connu historiquement», explique le président de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec, Christian Overbeek.

Certains producteurs ont réagi en misant davantage sur le soya ou le canola, des cultures qui demandent beaucoup moins de fertilisants.

«Il y a eu une baisse de 10% des intentions de semis de maïs-grain cette saison, constate M. Overbeek. La culture du maïs est très exigeante en termes d'engrais.»

Les contre-coups de la hausse des prix devraient se faire ressentir encore plus l'an prochain, explique Sylvie Richard, agronome et directrice adjointe de l'Association des fabricants d'engrais du Québec.

Pour cette saison, les fabricants-détaillants québécois, qui fabriquent les mélanges d'engrais et qui s'approvisionnent auprès des grands fournisseurs, avaient déjà commandé leurs stocks il y a quelques mois, quand les prix étaient un peu moins élevés.

«La demande sera encore là, elle sera peut-être même plus forte, et les entreprises ne pourront pas augmenter l'offre pour faire une différence», soutient Mme Richard.

Les prix des engrais varient beaucoup selon la composition des mélanges, le type de sol, le type de grain. Mais un engrais type coûte au producteur environ 600$ la tonne.

L'azote est le composant d'engrais le plus utilisé au Canada, suivi par le phosphate et la potasse. Les agriculteurs canadiens utilisent environ 5 millions de tonnes d'engrais par année.

HAUSSE DES PRIX EN MAGASIN

Il y a fort à parier que l'augmentation du prix des engrais se fera sentir jusque dans les magasins.

Selon Sylvie Richard, de l'Association des fabricants d'engrais du Québec, le prix des fertilisants en petite quantité devrait logiquement suivre la hausse du prix des matières premières, mais il reste à voir comment les marchands s'ajusteront.