En voulant protéger la planète, le protocole de Kyoto a établi des règles qui encouragent la destruction des forêts et l'émission de millions de tonnes de gaz à effet de serre.

En voulant protéger la planète, le protocole de Kyoto a établi des règles qui encouragent la destruction des forêts et l'émission de millions de tonnes de gaz à effet de serre.

Les gouvernements de la planète en sont aujourd'hui conscients. Mais ils refusent de changer les règles du jeu.

Kyoto raconte des mensonges. Ce n'est pas George W. Bush qui le dit. C'est le coordonnateur international de la campagne pour les forêts de Greenpeace, Christoph Thies.

Le problème de M. Thies en est un d'arithmétique. Et il commence dans les tourbières de l'Indonésie recouvertes de palmiers.

Un hectare d'une telle plantation vous fournira de 3 à 6 tonnes d'huile de palme par année.

Prenez cette huile, transformez-la en biodiesel et envoyez-la en Europe pour faire rouler la voiture d'un Français ou d'un Allemand. Vous réduirez sa consommation de pétrole, l'empêchant d'émettre de 9 à 18 tonnes de CO2 dans l'atmosphère.

Sauf qu'en dégradant la tourbière sous les palmiers, vous aurez déjà libéré de 50 à 100 tonnes de CO2 par hectare.

En comptant le carburant qu'il faut pour transporter l'huile de palme et fabriquer les pesticides qui font pousser les palmiers, Wetlands International calcule que, dans le meilleur des scénarios, l'utilisation du biocarburant émettra trois fois plus de gaz à effet de serre que si l'Européen avait brûlé du bon vieux diesel. Dans le pire des cas, ce sera 10 fois pire.

Mais il y a plus absurde aux yeux de M. Thies. Car la France a signé le protocole de Kyoto et s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Elle s'y attelle donc.

Elle inscrit d'abord les tonnes économisées par le diesel qui n'a pas été brûlé: de 9 à 18 tonnes environ. Puis elle inscrit les gaz dégagés par l'utilisation du biodiesel: zéro.

Zéro? Oui. Car selon le protocole de Kyoto, les biocarburants n'émettent pas de gaz à effet de serre.

Pour M. Thies, voilà une «incitation complètement perverse». Parce que la situation a amené tout un système de subventions qui favorise l'importation d'huile de palme en Europe.

Depuis, certains pays comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont resserré leurs règles sur les biocarburants. L'Union européenne en est aussi à revoir sa politique.

Mais le protocole de Kyoto considère toujours les émissions comme nulles.

En décembre dernier, à Bali, les pays du monde entier se sont réunis pour discuter de la suite à donner au protocole de Kyoto, qui se termine en 2012.

La Presse Affaires y a rencontré John Hay, porte-parole de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Il a admis l'ironie de la situation.

«Ça n'a pas été discuté en 1997 lors de l'élaboration du protocole de Kyoto. Ce n'était pas un enjeu», a-t-il expliqué.

Faudrait-il changer Kyoto maintenant que le problème est documenté? «Le protocole ne sera pas rouvert pour inclure des mécanismes complètement nouveaux concernant seulement les biocarburants», a-t-il répondu.

La question est-elle discutée à Bali pour l'entente qui prendra la relève du protocole de Kyoto en 2012?

«Les biocarburants ne sont pas un très grand enjeu des négociations», a admis M. Hay.

Pour Marcel Silvius, spécialiste de l'écologie tropicale pour Wetlands International, c'est inacceptable.

«Les gouvernements sont en train de mentir à leurs propres citoyens. Ils sont en train de les berner. Et c'est la pire chose qu'un gouvernement puisse faire. Ils profitent d'un système pour mettre de l'ordre dans leurs livres. Pas pour mettre de l'ordre dans le monde.»