Tout le monde s'entend sur l'ennemi à abattre, les gaz à effet de serre. C'est lorsque vient le temps de choisir la stratégie que le front commun s'effrite.

Tout le monde s'entend sur l'ennemi à abattre, les gaz à effet de serre. C'est lorsque vient le temps de choisir la stratégie que le front commun s'effrite.

L'Europe a opté pour un programme d'échange de crédits d'émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ce qui n'est pas un problème en soi.

Sauf que les Européens veulent étendre ce programme à tous les vols en provenance ou en direction de l'Europe, que les transporteurs en cause soient locaux ou étrangers. C'est une initiative que les autres gouvernements ont vivement condamnée.

«C'est une question de souveraineté, explique Robert Shuter, directeur des opérations internationales chez Transports Canada et délégué canadien au comité environnemental de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Ils veulent nous imposer leur solution.»

Le programme européen imposera aux entreprises une limite sur la quantité de CO2 qu'elles pourront émettre, sous la forme de crédits d'émission.

Les entreprises qui dépasseront cette limite devront acheter des crédits supplémentaires, alors que les entreprises qui n'atteindront pas la limite pourront revendre les crédits inutilisés et faire ainsi un peu d'argent.

«Le problème, c'est que le calcul des émissions commencera alors que les avions sont encore dans notre espace aérien, déplore M. Shuter. Nul ne peut pas exercer sa souveraineté dans l'espace aérien d'un autre.»

Au cours de la dernière assemblée de l'OACI, en septembre dernier, la majorité des États membres ont soutenu qu'aucun pays ne devait appliquer un système d'échanges de crédit aux transporteurs d'autres pays, sauf sur la base d'accords mutuels.

L'Association internationale du transport aérien (AITA) s'oppose vigoureusement au programme européen et accuse carrément les politiciens d'hypocrisie.

«Nous pourrions réduire de 12 millions de tonnes les émissions annuelles de CO2 avec le Ciel unique européen, a fait savoir le directeur général et chef de la direction de l'IATA, Giovanni Bisignani, dans un récent communiqué. Plutôt que de mettre en place une telle mesure, l'Europe fait cavalier seul et poursuit un projet politique de mécanisme d'échange de droits d'émission qui n'améliorera en rien la performance environnementale.»

Une politique européenne de ciel unique permettrait de raccourcir les trajets, et donc de diminuer les émissions polluantes, en restructurant l'espace aérien en fonction du trafic et non en fonction des frontières nationales, comme c'est le cas actuellement.

L'Europe n'a pas encore formellement adopté l'inclusion du transport aérien dans son programme d'échange de crédits. En novembre dernier, les parlementaires européens ont voté en faveur d'une inclusion en 2011 alors qu'en décembre dernier, les ministres européens de l'environnement ont choisi 2012.

M. Shuter affirme que le Canada ne s'oppose pas aux mécanismes d'échange de crédits, mais qu'il préfère recourir à une variété d'outils, comme la mise en place de routes aériennes plus directes.

«Nav Canada a travaillé de très près avec nous pour améliorer les routes, par exemple en faisant en sorte que les appareils n'aient pas à faire des détours pour suivre les aides à la navigation établis au sol.»

Le gouvernement compte également sur le remplacement des vieux appareils qui consomment beaucoup de carburant et sur une variété d'autres mesures de réduction de la consommation.

La porte-parole d'Air Canada, Isabelle Arthur, soutient que le transporteur possède maintenant la flotte la plus moderne au monde. Elle ajoute qu'il a mis en place un programme pour alléger encore davantage ses appareils, notamment en se procurant des conteneurs à cargos et des chariots de service plus légers.

En outre, les pilotes ont adopté des pratiques pour réduire la consommation de carburant, notamment en n'utilisant qu'un moteur lorsque vient le temps de circuler sur le tarmac et en se servant davantage des freins à l'atterrissage, plutôt que des inverseurs de poussée, plus énergivores.

Évidemment, ces pratiques permettent avant tout de réduire les frais de carburant. Mais elles sont également bénéfiques pour l'environnement.

«Les deux sont liées, affirme Mme Arthur. Depuis 1990, nous avons réduit nos émissions de 28%. Depuis les années 70, on parle de 80%. Notre objectif, c'est de les réduire encore de 20% dans les années à venir.»