Vincent Lacroix ne se souviendra pas du 13 novembre 2007 comme d'une journée glorieuse. Il se rappellera plutôt que l'Autorité des marchés financiers y a amorcé une plaidoirie-massue contre lui.

Vincent Lacroix ne se souviendra pas du 13 novembre 2007 comme d'une journée glorieuse. Il se rappellera plutôt que l'Autorité des marchés financiers y a amorcé une plaidoirie-massue contre lui.

En effet, le procureur Eric Downs a commencé à plaider mardi pour convaincre le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec, que le PDG déchu de Norbourg a bien violé à 51 reprises la Loi sur les valeurs mobilières.

Dès le départ, Me Downs a annoncé qu'en version écrite, sa plaidoirie faisait 88 pages et qu'il ne la lirait pas en entier. Il allait plutôt laisser la chance au juge de poser des questions sur le résumé de la preuve pour se concentrer sur ce qui responsabilise Vincent Lacroix. En fin de journée, il avait abattu les deux tiers du travail prévu.

Eric Downs a souligné que M. Lacroix se trouvait à la tête d'une «pyramide hiérarchique» de compagnies chez Norbourg, où ont eu lieu 137 retraits irréguliers pour 115 M$ et la production de 111 faux documents.

Les témoins du procès pénal ont démontré que «sa gestion était de type contrôlante, que c'était un patron qui centralisait les décisions et qui savait tout ce qui se passait au sein de son groupe», a lancé l'avocat.

«Les acteurs [impliqués dans le scandale] relevaient tous directement de Vincent Lacroix. C'est le cas pour David Simoneau, c'est le cas pour le soutien administratif des opérations.»

D'ailleurs, certains documents déposés par la défense confirmeraient la position de contrôle du PDG déchu.

Selon Me Downs, le juricomptable François Filion a su démontrer lors de son témoignage en mai dernier qu'avec l'argent détourné, Norbourg a fait l'acquisition d'entreprises.

«Les contrats d'acquisition étaient signés par Vincent Lacroix. Au niveau de l'implication et du contrôle, c'est un élément qui doit être considéré quand on présente le groupe Norbourg», a martelé le juriste.

L'Autorité des marchés financiers laisse le soin au juge de décider si Vincent Lacroix avait une intention coupable sur les 27 premiers chefs d'accusation (retraits irréguliers). L'organisme de réglementation demande au juge de statuer qu'il avait une intention coupable pour les chefs 28 à 51 (production de faux documents).

Peu importe l'intention, l'AMF veut que Vincent Lacroix soit déclaré coupable d'avoir violé la loi 51 fois.

À cet effet, le procureur Eric Downs entend aborder un peu plus tard 19 points qui démontrent la responsabilité de M. Lacroix dans le fiasco financier de Norbourg. Mais au début de sa plaidoirie, il s'est empressé d'ajouter que cette liste n'était pas exhaustive, et que d'autres points s'y ajoutaient en cours de route.

Justement, un vingtième point a été ajouté d'entrée de jeu : Vincent Lacroix était propriétaire et PDG des principales sociétés Norbourg ainsi que signataire unique des comptes bancaires leur appartenant.

«Il faut comprendre qui a ouvert les comptes et qui signait les chèques, a asséné l'avocat. C'est Vincent Lacroix. C'est un élément d'intention coupable.»

Celui qui représente l'AMF a revu rapidement le stratagème que M. Lacroix est accusé d'avoir mis sur pied pour détourner l'épargne des investisseurs. Il s'agit de 137 retraits irréguliers qui ont transité par 26 comptes bancaires en 10 000 transactions.

Aussi, 111 faux documents ont été produits pour camoufler les activités douteuses et expliquer la capacité de Norbourg de faire une série d'acquisitions.

L'accusé contestait la définition d'un retrait irrégulier depuis le début du procès en disant que de l'argent qui ne transitait pas par un compte en fiducie ne constituait pas nécessairement une anomalie,

Eric Downs a pris le soin de répliquer avec un argument de poids en plaidoirie. Un écart de valeur de 130 M$ (en retraits et en rendement manquant) a été constaté dans les fonds par le comptable Michel Martin, comptable chez Norbourg et ensuite chez le liquidateur Ernst & Young après les perquisitions du 25 août 2005.

Le chemin inhabituel pris par l'argent a simplement permis de repérer le problème, ajoute Me Downs, et c'est la valeur perdue par les investisseurs qui a rendu les retraits irréguliers.

Au passage, l'avocat s'est encore rabattu sur la responsabilité de Vincent Lacroix. «Des retraits irréguliers, il y a deux personnes qui en ont fait. Ce sont Vincent Lacroix et David Simoneau.»

En fin d'avant-midi, il ajoutait qu'au total, les 137 retraits irréguliers ont affecté les fonds à 289 reprises car un retrait pouvait toucher plusieurs fonds à la fois.

Les fonds les plus taxés étaient souvent les fonds Norbourg, certains ayant été touchés jusqu'à 67 fois. Mais les fonds dans lesquels l'on retrouvait un seul retrait pouvaient voir 2 M$ disparaître d'un seul coup.

Lors des audiences consacrées à la poursuite, 16 témoins ont été entendus par le juge Leblond, le plus marquant ayant été le juricomptable François Filion. Ce dernier pris presque un mois pour expliquer le stratagème attribué à l'ex-patron de Norbourg.

L'AMF a déposé 75 pièces en preuve, la défense ayant pour sa part déposé 84 pièces, surtout en contre-interrogatoire.

Pour chacun des 51 chefs d'accusation, l'AMF réclame 5 ans moins un jour de prison et une amende s'élevant jusqu'à 5 M$.