Les turbulences récentes sur les marchés financiers suggèrent que les propos lénifiants des grands argentiers sur la crise du crédit sous-estimaient peut-être l'ampleur du problème.

Les turbulences récentes sur les marchés financiers suggèrent que les propos lénifiants des grands argentiers sur la crise du crédit sous-estimaient peut-être l'ampleur du problème.

Les Bourses mondiales ont connu une semaine chahutée: même si le Dow Jones a réussi à limiter la casse vendredi grâce aux interventions de la banque centrale (-0,23%), les autres Bourses ont lourdement chuté: -3,71% à Londres, -3,13% à Paris... partout ont pesé les craintes d'un emballement de la crise du crédit lié aux difficultés du secteur «subprime» ou prêts à risque.

Pourtant, jusqu'en début de semaine, les dirigeants économiques de tous bords se voulaient très rassurants.

Mardi encore, la banque centrale américaine (Fed) émettait un communiqué impavide, prenant note de la «volatilité» des marchés mais gardant l'inflation en tête de sa liste des menaces pour l'économie.

Appréciation des risques

La semaine précédente, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, avait affirmé que la volatilité des marchés pouvait «être interprétée comme une normalisation de l'appréciation des risques».

Et le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, avait adopté le même ton en jugeant «saine» la «réappréciation des risques» en cours.

«Pour l'heure, un changement de cap des politiques monétaires paraît peu probable car les banques centrales considèrent que l'on fait face à des tensions passagères et surtout pas à des problèmes de financement du secteur privé», estimaient vendredi dans une note les analystes de Natixis.

En quelques jours pourtant, la «saine réappréciation des risques» a tourné au début de panique, forçant les banques centrales à intervenir massivement pour injecter des liquidités sur les marchés.

Pour l'économiste Frederic Dickson, de D.A. Davidson, leur action combinée «a été interprétée par les courtiers comme une admission tacite que la crise du crédit est plus sévère qu'on ne le pensait précédemment, et qu'elle menace la croissance aux États-Unis et en Europe».

Les marchés réclament à cor et à cris une baisse des taux au président de la Fed, Ben Bernanke, qui a laissé son principal taux directeur inchangé à 5,25 % mardi.

«Je soupçonne que M. Bernanke préférerait éviter cela, car cela envoie le message que la Fed sous-estimait le problème jusqu'à mardi dernier», a estimé l'économiste indépendant Joel Naroff.

Une partie des analystes soulignent cependant que la Fed ne peut s'en prendre qu'à elle-même pour les difficultés qu'il lui faut résoudre aujourd'hui.

En baissant ses taux à 1% en 2003 pour lutter contre la déflation, la banque centrale a inondé les marchés d'argent pas cher, les incitant à des prises de risques inconsidérées.

Et en intervenant en cas de défaillance (comme après la bulle internet par exemple), elle a donné aux investisseurs de très mauvaises habitudes.

«De fait, la banque centrale promet de voler au secours des mauvais investissements», a estimé Gerald O'Driscoll, ancien vice-président de la Fed de Dallas, vendredi dans le Wall Street Journal.

«Si les investisseurs s'attendent à ce que cette politique persiste, alors ils vont prendre délibérément des risques sans grandes garanties», selon lui.

Aujourd'hui, les investisseurs sont de plus en plus nombreux à penser que la Fed est acculée à une manoeuvre d'urgence: abaisser ses taux en urgence hors de ses réunions planifiées.

«La Fed va sans doute attendre quelques jours pour voir si les choses redeviennent sous contrôle, mais elle ne pourra peut-être pas attendre si longtemps», pronostique M. Naroff.