Les entreprises centenaires ont dû survivre aux deux grandes guerres, à la crise économique de 1929, au choc pétrolier des années 70, aux changements culturels du Québec, de même qu'à quelques périodes de ralentissements économiques.

Les entreprises centenaires ont dû survivre aux deux grandes guerres, à la crise économique de 1929, au choc pétrolier des années 70, aux changements culturels du Québec, de même qu'à quelques périodes de ralentissements économiques.

Dans certains cas, ce sont quatre, voire cinq générations d'une même famille qui ont eu à porter le flambeau.

«C'est assez particulier comme phénomène. Partout dans le monde, les PME manufacturières qui existent depuis plus de 100 ans et qui ne sont pas devenues de grandes entreprises sont assez rares. Celles qui appartiennent à la même famille le sont encore plus», explique Pierre-André Julien, professeur émérite et fondateur de l'Institut de recherche sur les PME (INRPME) de l'Université du Québec à Trois-Rivières.

Au Québec, au moins deux entreprises manufacturières font figure d'exception: Chemise Empire et les Camions Carl Thibault. La famille Béland, qui fabrique des chemises en Mauricie depuis 1894, et le clan Thibault, spécialisée dans les camions de pompiers depuis 1908, font partie de ce club très sélect d'entrepreneurs qui ont traversé le temps par le truchement de leurs descendants.

Selon Pierre-André Julien, il y a encore des descendants de Henry Ford chez le constructeur automobile Ford, mais l'actionnariat est tellement dilué et l'entreprise tellement colossale qu'on ne peut plus parler d'entreprise familiale.

Idem pour la brasserie Molson, fondée en 1786 par John Molson. Avant de devenir la plus grande société agroalimentaire au monde, Nestlé était une PME familiale. Elle a été fondée en 1867 par Henri Nestlé. Bref, on est à cent lieues de la PME de moins de 500 employés.

Moins rares, mais tout aussi exemplaires, sont les entreprises manufacturières centenaires qui sont de propriétés québécoises et qui continuent à tirer leur épingle du jeu.

Le facteur d'orgues Casavant Frères (1879), l'embouteilleur d'eau Radnor (1896), le fabricant de marinades Corporation Alimentaire Whyte's (1896) ou encore le fabricant de bottes Genfoot (1898) en sont des exemples probants.

Enfin, il existe au Québec des dizaines d'entreprises non manufacturières qui ont plus de 100 ans. Votre quotidien La Presse, par exemple, fêtera ses 125 ans l'an prochain.

L'hebdo Le Courrier de Saint-Hyacinthe vient quant à lui d'avoir 154 ans. Et tout le monde connaît une entreprise de pompes funèbres, une épicerie de quartier, une quincaillerie ou tout autre commerce de détail qui existe depuis le début du XXe siècle.

En voie de disparition?

Dans le contexte actuel de mondialisation où plus personne (ou presque) n'est à l'abri des économies émergentes, les entreprises centenaires sont-elles une espèce en voie de disparition?

Les avis sont partagés. Pierre-André Julien, de l'Institut de recherche sur les PME, croit que mondialisation ou pas, les entreprises de 100 ans et plus seront toujours très marginales, surtout dans le secteur manufacturier.

«Il y a toujours eu, dit-il, des circonstances qui ont décidé de l'avenir des entreprises, que ce soit de la chicane dans la famille, l'incapacité d'une entreprise d'innover ou tout simplement le manque de relève. Aujourd'hui, dans le cas des entreprises familiales, les entrepreneurs ont le choix entre deux enfants et non plus dix, comme ce fut le cas à une certaine époque.»

Francine Richer, chercheuse et membre associée de la chaire de développement et de relève de la PME à HEC Montréal, croit plutôt que les PME centenaires devraient se multiplier avec le temps.

«L'esprit entrepreneurial est encore jeune au Québec. Et plus que jamais, les entreprises disposent de moyens. Je suis donc optimiste», explique-t-elle.

D'autant plus, ajoute Mme Richer, que le problème de relève semble être une question davantage prise au sérieux par les gens d'affaires.

Près de 50% des PME québécoises devront composer avec un problème de relève d'ici les 10 prochaines années.

«On reçoit des appels tous les jours de gens qui prennent conscience du problème et qui veulent se faire aider», dit la chercheure.

Comme il existe très peu de statistiques sur la durée de vie des PME au Québec, il est difficile de prédire ce que l'avenir nous réserve.