Dans le coin droit, Team Candu et sa technologie canadienne. Dans le coin gauche, la française Areva, la plus grosse firme nucléaire de la planète. Deux concurrents, deux technologies différentes, voire complémentaires. Et une bataille: le marché ontarien.

Dans le coin droit, Team Candu et sa technologie canadienne. Dans le coin gauche, la française Areva, la plus grosse firme nucléaire de la planète. Deux concurrents, deux technologies différentes, voire complémentaires. Et une bataille: le marché ontarien.

L'argument de vente des Canadiens s'appelle Candu - pour CANada Deutérium Uranium. Un réacteur nucléaire construit en 18 exemplaires au Canada - 16 en Ontario, un au Québec à Gentilly et un au Nouveau-Brunswick - et exporté 12 fois dans le monde (Corée du Sud, Roumanie, Inde, Chine, Pakistan et Argentine).

Le Candu est aussi un réacteur qui, dans la grande famille mondiale nucléaire, fait bande à part.

Tous les modèles de réacteurs actuellement sur le marché carburent à l'uranium enrichi - de l'uranium qu'on traite pour en augmenter la proportion d'atomes fissibles. Tous sauf le Candu, qui peut fonctionner à l'uranium pur.

En contrepartie, le Candu doit utiliser de l'eau spéciale, l'eau lourde, qui doit être fabriquée dans des usines. Les autres réacteurs se contentent d'eau normale, qu'on appelle «eau légère».

On pourrait passer des semaines à peser les pour et les contre de chacune des technologies. Chose certaine, n'allez pas demander au président de SNC-Lavalin nucléaire, Patrick Lamarre, s'il est vrai que le Candu est en voie de devenir l'équivalent des magnétoscopes Beta de l'industrie nucléaire. La boutade, de toute évidence, il l'a déjà entendue.

«Le Beta et le VHS, c'est une chose. Les centrales nucléaires, c'en est une autre. Je ne suis pas sûr que ça peut se comparer», lance-t-il.

«C'est facile de faire des analogies, continue-t-il. Je peux vous en faire une autre et dire que la technologie d'AECL est la BMW ou la Ferrari. Ces voitures ont peut-être seulement 10% du marché mondial. Mais il va toujours avoir une place pour ces autos-là.»

Même Armand Laferrère, le grand manitou d'Areva Canada, reconnaît la pertinence de la technologie concurrente.

«Nous ne sommes pas là pour faire disparaître l'eau lourde, dit-il. C'est un marché certes petit, mais qui est loin d'être mort. Et qui a de l'avenir.»

L'argument d'Areva: le Canada gagnerait à diversifier son expertise et maîtriser la technologie qui représente 90% du marché mondial.

«Il ne s'agit pas de faire disparaître Énergie atomique du Canada. Il s'agit de travailler avec eux et lui donner de nouvelles perspectives», dit M. Laferrère.

Duane Bratt, du Mount Royal College, est sceptique. Il voit mal l'Ontario embrasser la technologie des réacteurs à l'eau légère, alors que toute sa flotte fonctionne à l'eau lourde.

«Je ne crois pas que le marché ontarien, ni le marché canadien, soit suffisamment important pour opérer deux systèmes», dit-il.

Chez Énergie atomique du Canada, on souligne aussi qu'à «la veille d'une renaissance nucléaire, il est beaucoup plus avantageux de miser sur ses forces que d'essayer de devenir des leaders dans une expertise nouvelle».

Le seul point où les deux concurrents s'entendent, ce sont les synergies qui peuvent découler des deux technologies. Car l'un des avantages du Candu est qu'il peut fonctionner avec le carburant usagé des réacteurs à uranium enrichi.

«C'est un aspect sur lequel nous sommes d'accord et où on peut penser à une collaboration», dit Jerry Hopwood, d'Énergie atomique du Canada.

Sauf que les avis diffèrent quant aux moyens d'y parvenir.

Areva utilise l'argument de la récupération du carburant pour justifier l'installation de ses réacteurs au Canada.

«Je maintiens que dans le contexte où les Candu représentent 10% du marché mondial, la meilleure façon de faire fonctionner ce cycle de l'uranium est de construire plus de Candu», dit Jerry Hopwood.

En bref: un partenariat canado-français dans le nucléaire n'est peut-être pas pour demain...