Le 26 mars 2005, Danielle Vaillancourt s'amène en trombe à la résidence de sa fille et compose le 911, mais il est trop tard:Hélène Tremblay succombe à une crise d'asthme aiguë. Elle a 40 ans.

Le 26 mars 2005, Danielle Vaillancourt s'amène en trombe à la résidence de sa fille et compose le 911, mais il est trop tard:Hélène Tremblay succombe à une crise d'asthme aiguë. Elle a 40 ans.

Dix mois après cette tragédie, Danielle Vaillancourt subit un autre choc. Son fils, Martin Tremblay, est porté disparu. Nous sommes le 20 janvier 2006, un vendredi. Le dimanche, l'angoisse fait place à la consternation : Martin Tremblay n'a pas disparu, il est emprisonné et accusé de blanchiment d'argent, à New York.

C'est dans ces circonstances troublantes que Danielle Vaillancourt a accepté de rencontrer La Presse, début octobre. N'ayant pu sauver sa fille, elle tente maintenant d'innocenter son fils, accusé de blanchiment d'argent. L'entrevue a eu lieu à son condo de Paradise Island, aux Bahamas.

"Je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. J'ai cinq petits-enfants à m'occuper. Et le drame avec ma fille n'intéresse pas le public", nous avait-elle averti au téléphone.

À notre arrivée au complexe de condos, un gardien de sécurité nous accompagne, le photographe et moi. L'endroit est magnifique. La douzaine de villas donnent sur une piscine commune, entourée de palmiers, de fleurs et de grands pins, qui font face à la mer.

"C'est là que Martin prenait sa bière en revenant de travailler", dit la femme de 65 ans, qui a conservé un petit accent de Chicoutimi.

L'intérieur de la villa, où elle semble vivre seule, est simplement décoré. Plusieurs photos de famille ornent le petit salon adjacent à la salle à manger. J'avais préparé une série de questions, mais elles furent presque inutiles. Rapidement, Danielle Vaillancourt plaide le comportement irréprochable de son fils, son rôle de bon père de famille, le complot de la GRC, bref, l'innocence de Martin Tremblay.

Une sentence de 70 mois?

Elle me présente des documents, des articles de journaux et, surtout, des lettres que lui a écrites son fils de la prison de Brooklyn, à New York.

"Je sais que je suis innocent, mais ce n'est pas si simple. Devant un jury, il y a toujours un élément de risque", écrit Martin Tremblay dans sa première lettre à sa mère, le 14 février.

Dans une autre lettre, en juillet, le banquier envisage, à contrecoeur, de régler l'affaire hors procès. "J'ai plein d'idées dans la tête, j'ai peur, je paranoye. Qu'est-ce que j'ai fait, bon Dieu! La dernière offre était 70 mois. C'est encore sur la table. Je ne pense pas avoir la force d'aller en procès. Tout est contre moi. Je n'ai pas accès à mes documents. Mes employés sont disparus. La machine est trop forte..."

Au début août, il explique à sa mère qu'un éventuel procès ne pourra avoir lieu avant février 2007, au minimum, puisque le juge qui s'occupe de son dossier n'est pas disponible.

Tremblay, traité pour un cancer

"Je suis complètement dans le noir. J'essaie de me convaincre de considérer une entente. Mes trois enfants, mes parents, Shereen... Ça va contre mon instinct, mais je fais le temps de toute façon. En plus, j'ai le stress d'être malade ici", écrit Martin Tremblay, qui est traité pour un cancer de la peau (le même que celui de Robert Bourassa).

Danielle Vaillancourt décrit son fils banquier comme un garçon discret, peu vantard, plutôt solitaire. Complet bleu marine le jour, t-shirt le soir. Grand amateur de golf, 44 ans. De ses trois enfants, deux vivent à Saint-Sauveur, avec son ex-femme, tandis que le troisième, âgé de 3 ans, vit aux Bahamas. "On essaie d'être joyeux pour les enfants. D'être normal", dit-elle.

Danielle Vaillancourt n'aurait pu s'imaginer pareil scénario lorsqu'elle a quitté le Saguenay pour les Bahamas, en 1994. À l'époque, elle et son conjoint, Gérard Tremblay, ont profité d'une échappatoire de la loi canadienne pour transférer 45 millions de dollars sans payer d'impôt. Cet argent provenait de la vente de leur entreprise de câblodistribution Télésag à Vidéotron. La transaction est toujours contestée par le fisc.

Peu après leur arrivée aux Bahamas, Martin Tremblay, comptable agréé, lance sa firme de gestion de fonds, Dominion Investments. Il mène ses affaires rondement, à une époque où les lois des Bahamas sont très permissives. Jusqu'en 2002, ce paradis fiscal figurait sur la liste noire de l'OCDE des pays jugés non coopératifs.

Aujourd'hui, l'éclat du soleil des Bahamas a fait place à la noirceur de la prison de Brooklyn. Le discret Martin Tremblay est incarcéré dans cette même prison où a récemment été envoyé Vito Rizutto, chef de la mafia canadienne.

Sa famille immédiate ne peut le rencontrer plus d'une fois par semaine, durant une heure, nous explique sa mère. "On le rencontre dans une salle commune. Rentré là, c'est comme si c'était toi le criminel : mets tes mains là, mets tes pieds là, rentre tes bras dans la machine - pour voir si on n'aurait pas touché à de la drogue depuis 24 heures.

"Après la visite, ils mettent Martin dans une cage, tout nu, pour voir si on ne lui aurait pas passé une petite pilule dans l'oreille. Tu sors de là, c'est comme si tu sortais d'un camp juif", raconte Mme Vaillancourt.

Selon elle, l'histoire de son fils n'a rien à voir avec les grands scandales financiers des dernières années, les Enron et autres. Les clients de Martin Tremblay vont recevoir 100% de leur dû, dit-elle. Après remboursement, il lui restera même un "pactole".

"J'ai jamais fait de mal à personne ou voler un sou à personne et voilà! Je pense qu'ils veulent faire un exemple et que c'est plus facile avec moi qu'avec une grosse banque. Toutes les banques se ramassent tôt ou tard avec des clients indésirables", lui a écrit son fils dans sa première lettre.

Malgré la mort de sa fille, malgré les difficultés de son fils, malgré sa séparation, Danielle Vaillancourt n'a pas l'intention de quitter les Bahamas. "Je vais rester ici jusqu'à ma mort. J'ai de petits-enfants ici et j'aime mieux ici qu'en Floride. Ici, c'est la liberté. Et je n'aime pas tellement les Américains, vous comprenez."