Non, ce n'est pas pour draguer ni pour rencontrer l'âme soeur que l'avocat Claude Jodoin a participé à des séances de speed dating en avril dernier à Jacksonville, en Floride.

Non, ce n'est pas pour draguer ni pour rencontrer l'âme soeur que l'avocat Claude Jodoin a participé à des séances de speed dating en avril dernier à Jacksonville, en Floride.

S'il s'est prêté au jeu de ces rencontres rapides, c'est plutôt parce que l'organisateur de l'événement avait remplacé les habituels célibataires en manque d'affection par des dirigeants de grandes entreprises américaines à la recherche d'avocats.

«On avait 30 minutes pour faire notre pitch, pas une seconde de plus!», raconte l'avocat de 48 ans, associé au bureau montréalais de Fasken Martineau.

Cette petite escapade de trois jours dans le sud des États-Unis a permis à Claude Jodoin de renouer le contact avec d'anciens clients et surtout d'établir des liens avec de nouveaux.

Et pas n'importe quel client: presque tous les dirigeants présents à l'événement représentaient des sociétés avec un chiffre d'affaires d'au moins 1 milliard de dollars.

Cette séduction accélérée a-t-elle donné des résultats? «Disons que les retombées pour le cabinet justifient pleinement notre présence à ce genre d'activité», dit Claude Jodoin, qui admet que plusieurs gros mandats devraient se matérialiser dans les prochains mois.

Mais ce speed dating juridique met aussi en lumière une nouvelle réalité qui frappe ces temps-ci tous les cabinets d'avocats: comment se démarquer dans un environnement de plus en plus concurrentiel?

Et comment innover pour vendre des services juridiques dans une industrie reconnue depuis la nuit des temps pour son conservatisme?

La question se pose d'autant plus pour Fasken Martineau, qui célèbre cette année le 100e anniversaire de sa fondation au Québec. Dans les affaires comme dans la vie, c'est bien connu, plus on vieillit, plus il est difficile d'acquérir de nouvelle habitudes. Alors imaginez quand on a 100 ans!

Marketing juridique

En fait, il y a 10 ans à peine, pour Fasken comme bien d'autres, la mise en marché des services juridiques se limitait à organiser des cocktails et à distribuer des billets de hockey aux clients.

Tout cela a changé le jour où Claude Auger, l'actuel associé-directeur du cabinet, a décidé d'embaucher il y a une dizaine d'années un directeur du marketing.

«Une première au Québec pour un cabinet d'avocats», dit-il.

Il est vrai que le contexte a beaucoup évolué. Jusqu'à tout récemment, le code déontologique interdisait encore aux cabinets de faire de la publicité, ce qui n'est plus le cas.

Et l'arrivée à Montréal au début des années 2000 de cabinets nationaux tels que Blakes et Osler a complètement chamboulé l'environnement concurrentiel. En 2007, ils sont plus nombreux à se partager la même tarte juridique.

Aujourd'hui, toutes les grandes firmes possèdent un département de marketing.

Chez Fasken, le budget annuel alloué au marketing totalise plusieurs millions de dollars. Le groupe compte plus de 45 experts -dont une douzaine à Montréal- qui gèrent tous les aspects, des relations médias à la publicité, de l'infographie à la gestion de crise en passant par la mise à jour du site internet.

Ils organisent aussi pour leurs clients des séminaires, des conférences, des petits-déjeuners thématiques, des cocktails... L'an dernier, Fasken a ainsi organisé plus de 500 événements en tous genres.

Mais leur rôle va beaucoup plus loin. Ils scrutent la concurrence, font des recherches pour cibler des industries et clients potentiels et préparent avec les avocats les appels d'offres et les soumissions.

«Notre mise en marché doit être de plus en plus sophistiquée», explique le directeur du marketing et du développement des affaires pour le Québec, Robert Hémond.

On a confié à sept personnes du groupe marketing la tache d'accompagner les avocats dans leur démarchage de clients. Chacun a la responsabilité de plusieurs groupes de pratique (fiscalité, droit du travail, fusions et acquisitions, etc.).

Apprendre à vendre

Il y a quelques années, Claude Auger a aussi eu l'idée de créer un comité de marketing.

Composé d'une dizaine d'associés, ce comité se réunit toutes les trois semaines avec les gens du marketing pour faire le point et établir des stratégies de développement des affaires.

Ces temps-ci, le comité met l'acccent sur la jeunesse. «Les jeunes sont de bons avocats mais ils ont besoin d'appendre à développer leur réseau et leur base de clientèle», explique Luc Béliveau, associé et président du comité.

Un des outils préconisés est le plan d'affaires, que doivent préparer tous les jeunes avocats. Il contient des objectifs précis, comme le ciblage de clients potentiels et la présentation de conférences et séminaires sur divers sujets pour des clients existants.

Par exemple, depuis cinq ans, le cabinet organise chaque année un party d'huîtres, où 40 avocats non associés invitent des clients. Cela leur permet de faire du réseautage et de se présenter des clients pour des ventes croisées.

Ainsi, un avocat en droit du travail peut très bien présenter son client à un collègue en fusions et acquisitions.

Dans ce genre d'événements, rien n'est d'ailleurs laissé au hasard. Pour favoriser les échanges, le comité marketing prépare en effet toujours une liste des invités que peuvent consulter tous les avocats présents, explique Luc Béliveau.

«Cela nous permet de cibler des clients que doivent absolument rencontrer nos avocats.»