Les actionnaires de BCE (T.BCE) ne peuvent que se réjouir. La prime de 40% offerte par Teachers, les a enrichi de plus de 6 milliards de dollars. Mais de leur côté, les porteurs d'obligations de Bell ont le sentiment que la transaction se fait un peu sur leur dos.

Les actionnaires de BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]] ne peuvent que se réjouir. La prime de 40% offerte par Teachers, les a enrichi de plus de 6 milliards de dollars. Mais de leur côté, les porteurs d'obligations de Bell ont le sentiment que la transaction se fait un peu sur leur dos.

Depuis que les rumeurs de privatisation de Bell ont fait surface, en mars dernier, la valeur des obligations en circulation a fondu de 1 milliards de dollars, calcule Sébastien Rhéaume, vice-président, obligations de sociétés, chez Addenda Capital, une firme montréalaise spécialisée dans les obligations.

On ne connaît pas encore les détails du financement de la transaction. Mais selon les indications données par Teachers, le marché présume que les acquéreurs injecteront 8 milliards de capital et que BCE devra ajouter 26,5 milliards de dettes sur son bilan, pour offrir le magot de 34,5 milliards promis aux actionnaires.

Cela minera considérablement le bilan de BCE. Les investisseurs qui avaient acquis des obligations avec une cote de crédit solide, se retrouveront avec des titres de pacotille

Les investisseurs qui détiennent des obligations de BCE ne doivent pas s'en faire outre mesure. La nouvelle société honorera les intérêts et ils pourront récupérer entièrement leur capital à l'échéance.

Mais avant d'arriver à maturité, il faut savoir que les obligations de sociétés fluctuent en fonction des taux d'intérêt... et de la cote crédit de l'entreprise. Si la cote de crédit se détériore, l'obligation perd de la valeur. C'est exactement ce qui se produit avec BCE.

«Si les taux d'intérêt montent, si l'économie va mal, une société qui est plus endettée a moins de flexibilité. Le risque de défaut de paiement est accru. Est-ce que ça veut dire que BCE va faire faillite ? Non ! Mais implicitement, le risque se reflète dans le prix de l'obligation», expose Benoît Durocher le président d'Addenda.

Ainsi, une obligation de Bell 30 ans qui valait 105,50$ à la fin de mars, ne vaut plus que 82,71 $, une dégringolade de 21%. Les obligations à échéance plus courte sont toujours un peu moins sensibles. Mais sur la même période, une obligation de Bell 10 ans a glissé 13%, de 100,38 $ à 87,50 $.

Du cas par cas

Mais tout le monde n'aura pas droit au même traitement. Pour en avoir le coeur net, les investisseurs doivent vérifier quelle émission ils ont dans leur portefeuille. Présentement, les émissions d'obligations de Bell Canada et BCE totalisent près de 10 milliards de dollars (en valeur nominale).

Toutes les obligations qui viennent à échéance d'ici trois ans (M10, M2, M16, BCE série C, Mobilité série F) seront rachetées lors de la transaction, sauf deux émissions qui ne sont pas rachetables (EC, ED). Les investisseurs toucheront une prime, qui représente environ 0,5% à 2,5% de la valeur actuelle de leur titre, ce qui est avantageux, estime M. Rhéaume.

Les autres détenteurs doivent vérifier quel est l'acte de fiducie qui gouverne leur émission. Les obligations de BCE émises avant novembre 1997, relèvent d'un acte qui remonte à 1976 et qui comporte des clauses restrictives. Selon l'interprétation d'Addenda, Bell ne pourrait pas ajouter plus de 3,2 milliards de dettes à son bilan.

Les obligations de Bell émises plus récemment n'ont pas de clause protectrice. Ces dernières années, le marché obligataire canadien a été complaisant. Dans un contexte de taux d'intérêts anémiques, les investisseurs étaient prêts à tout pour obtenir un peu plus de rendement.

Néanmoins, Teachers aurait l'intention de respecter les conditions de l'acte de 1976, pour l'ensemble des obligations en circulation. «Mathématiquement, on a de la difficulté à voir comment ils vont y arriver», dit M. Rhéaume. Et même si cela était réalisable, cela ne relèverait ni la cote de crédit, ni la valeur des obligations de Bell.

À ce point-ci, que peuvent faire les investisseurs ? Il est trop tard pour vendre. «Ça peut difficilement être pire que maintenant», estime M. Rhéaume.