Le dépôt, jeudi dernier aux Communes, du projet de loi C-22 au sujet de la représentation démocratique devrait être le signal pour les communautés francophones de tout l'Ontario d'allumer leurs lumières et de se préparer à intervenir de façon musclée si nécessaire, dans la refonte imminente de la carte électorale fédérale.

Le dépôt, jeudi dernier aux Communes, du projet de loi C-22 au sujet de la représentation démocratique devrait être le signal pour les communautés francophones de tout l'Ontario d'allumer leurs lumières et de se préparer à intervenir de façon musclée si nécessaire, dans la refonte imminente de la carte électorale fédérale.

Ce projet de loi ajoutera 10 circonscriptions fédérales additionnelles en Ontario et comme à tous les 10 ans, à la suite de chaque grand recensement décennal, on s'activera, en 2011, à la refonte de la carte électorale afin qu'elle reflète les augmentations ou les diminutions de population. Il est prévisible que la province de l'Ontario fasse également l'exercice, au niveau provincial.

Pourquoi cela est-il important pour les francophones de l'Ontario ? Pour s'assurer que les communautés où leurs nombres sont importants ne soient pas dispersées, comme c'est arrivé la dernière fois, dans des circonscriptions voisines différentes, diminuant ainsi considérablement leur impact le jour du scrutin.

Que s'est-il passé à la suite du recensement décennal de 2001 ? C'est peut-être un peu compliqué mais suivez-moi, ça en vaut la peine.

Le fonctionnement

D'abord, le processus. Après chaque recensement décennal, le gouvernement met en place, dans chacune des provinces, une commission de révision des limites électorales. Elles sont habituellement formées de trois juristes dont le président est nommé par le juge en chef de la province. Les deux autres sont désignés par le président de la Chambre des communes.

Ces commissions examinent les statistiques, tiennent des audiences publiques et accueillent les suggestions des citoyens. Elles font ensuite rapport au Parlement, avec leurs recommandations, et les législateurs adoptent finalement une loi confirmant les nouvelles limites électorales.

(Il est possible que le gouvernement Harper décide qu'il veuille instituer ces changements immédiatement, sans attendre le recensement de 2011 et qu'il ordonne que les commissions soient constituées peu après l'adoption du projet de loi, quelque temps au cours de l'hiver. Nous suivrons ça pour vous).

Des absurdités

Les commissaires sont peut-être des experts en droit. Mais ils ont démontré, la dernière fois, qu'ils sont loin d'être futés en géographie et en démographie. Ainsi, des localités de régions francophones, en Acadie, en Ontario et dans l'Ouest se sont retrouvées, après le découpage, dans des circonscriptions différentes, avec aucune chance de faire élire un député représentant pleinement leurs intérêts.

Les leaders acadiens de l'une de ces communautés, au Nouveau-Brunswick, sont d'ailleurs allés devant les tribunaux dans la cause célèbre de la circonscription de l'Acadie-Bathurst. Et ils ont gagné. On a donc pu rapatrier dans la circonscription francophone de l'Acadie-Bathurst des localités de langue française déplacées dans Miramichi par les honorables membres de la commission.

Dans le nord de l'Ontario, de telles grossièretés se sont produites à plusieurs endroits, dispersant des localités francophones voisines dans des circonscriptions différentes à domination anglophone.

Dans un rapport de juin 2006, le Commissariat aux langues officielles (CLO) documentait abondamment ces situations et concluait que l'on n'avait pas respecté "l'engagement du gouvernement de favoriser l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire".

Par exemple, les braves citoyens du corridor de la route Transcanadienne 11 entre Smooth Rock Falls et Hearst, majoritairement francophones, se sont retrouvés dans la nouvelle circonscription de Algoma-Manitoulin-Kapuskasing, à grande majorité anglophone, qui s'étend au sud... jusqu'au lac Huron. Aucune route pavée ne relie directement le nord et le sud de cette circonscription.

Pourtant, leur communauté d'intérêt se situe bien davantage du côté de la circonscription de Timmins - Baie James, à laquelle on a ajouté au sud, autre mystère, des localités qui ont bien plus d'affinités avec celle de Nipissing-Timiskaming. Le redécoupage de Nickel Belt a aussi produit de bien étranges résultats.

N'insistons pas pour le moment, la liste des absurdités est trop longue. Mais au bout du compte, les communautés francophones se sont vues disséminées au diable Vauvert. Consultons, pour s'en convaincre, le rapport du CLO.

Mobilisation nécessaire

Ainsi, les communautés de langue française de l'Ontario doivent commencer dès maintenant à étudier et à apprivoiser la carte électorale. Elles doivent être en mesure, lorsque le moment arrivera, d'élaborer une argumentation solide et crédible ainsi que des recommandations précises sur le redécoupage, partout sur le territoire de la province.

Car si les commissaires à la révision des limites électorales ne sont pas forts en démographie ils savent (ce sont des juristes, rappelez-vous) que la loi, c'est la loi. Et que la Loi sur les langues officielles doit être respectée.

Cela s'applique aussi à la grande région d'Ottawa qui connaît une croissance de sa population plus élevée que celle de l'ensemble de l'Ontario. Au moins une nouvelle circonscription y sera créée. On y réaménagera donc des limites.

Il s'agit donc de s'assurer, ici, que l'électorat francophone qui constitue une masse critique et une communauté d'intérêt importante dans Ottawa-Vanier, Ottawa-Orléans, Ottawa-Sud ou Glengarry-Prescott-Russell, ne soit pas dilué dans un redécoupage à la scie mécanique qui ne tiendrait pas compte des affinités communautaires. Comme ça s'est vu avant ailleurs.