Si Obélix est tombé dans la marmite de potion magique quand il était petit, Jean Leclerc, lui, a perdu pied dans une tôle à biscuits.

Si Obélix est tombé dans la marmite de potion magique quand il était petit, Jean Leclerc, lui, a perdu pied dans une tôle à biscuits.

Et comme le personnage d'Uderzo, Jean Leclerc doit affronter des armées beaucoup mieux nanties que la sienne. Ses Romains ne sont pas gouvernés par Jules César, mais plutôt par les Kellogg's et autres Kraft Foods de ce monde.

«Il y a moyen de concurrencer ces multinationales dans le mesure où on ne joue pas nous-mêmes les multinationales», confie Jean Leclerc, attablé dans la salle de conférence de ses bureaux, situés dans le parc industriel de Saint-Augustin-de-Desmaures, en banlieue de Québec.

Concrètement, ça veut dire qu'une entreprise qui a un chiffre d'affaires de 250 millions ne peut en concurrencer une autre qui vend pour 50 milliards de produits... et qui a donc des laboratoires aux quatre coins du monde.

Biscuits Leclerc doit donc travailler plus étroitement avec ses fournisseurs et les universités pour tenter de trouver la potion magique qui lui permettra de trouver sa place dans le garde-manger des consommateurs.

Les avantages d'être petit

Être petit a aussi ses avantages: «Les grosses compagnies, dont le siège est à New York, ce n'est pas sûr qu'elles vont développer des produits spéciaux pour le Québec. Bien qu'on vende à l'extérieur du Québec, on a toujours une sensibilité particulière pour le marché où nous vivons.»

Ainsi, au-delà de la société, il y a aussi le goût qui serait distinct. «Les aliments, c'est très culturel. C'est impensable de croire que le Canada, c'est un seul marché de Montréal à Vancouver.»

Les Québécois ont donc la dent plus sucrée, selon lui, et portent une plus grande attention aux ingrédients qui entrent dans les produits qu'ils achètent. C'est avec cette perception en tête que les dirigeants de Biscuits Leclerc ont été les premiers au Canada à réduire considérablement les gras trans qui entrent dans la fabrication de leurs produits.

Mais des «bouche-tuyaux», comme les décrit Jean Leclerc, il en reste encore dans ses produits.

«On considère que certains produits de substitution sont aussi pires, sinon pires que le gras trans. Alors, on s'est dit, pour avoir bonne presse, on pourrait enlever 100% des gras trans. Mais est-ce qu'on est éthiquement à l'aise avec le produit de substitution? La réponse, c'était non.»

Des produits qui évoluent

Dans la prime jeunesse de son président actuel, Biscuits Leclerc portait son nom à perfection. L'atelier de la rue Saint-Vallier fabriquait... des biscuits! Les recettes étaient à base de gras animal, du saindoux. Et pas trop compliquées.

Aujourd'hui, l'entreprise tente de revenir à des recettes plus simples.

«Si vous faites des biscuits chez vous, avec cinq ou six ingrédients, vous allez faire une bonne job. Nous, dans l'industrie, on était rendu avec des listes longues comme ça, puis des noms à coucher dehors comme du proprianate de calcium.»

Ce n'est pas parce que le nom est long que c'est nécessairement mauvais, précise-t-il, mais le client, lui, ne s'y retrouve plus.

Même s'il est tombé dans les biscuits quand il était petit, Jean Leclerc a fait une pause, le temps de deux mandats à l'Assemblée nationale. Élu à 27 ans avec Robert Bourassa en 1985, il ne se représente pas aux élections de 1994 qui ont porté les péquistes au pouvoir.

L'entreprise qu'il retrouve au milieu des années 90 a changé. De nouveaux produits se sont ajoutés, dont les fameuses barres emballées individuellement.

Plus de barres que de biscuits

Une arrivée sur les tablettes, explique-t-il, qui est tombée en plein dans le mille et qui a permis de gonfler les ventes de l'entreprise, tellement qu'aujourd'hui, Biscuits Leclerc vend plus de barres que de biscuits.

«En terme de timing, le lancement des barres a été assez exceptionnel pour nous.»

«Ce ne sont pas des biscuits qu'on vend aux Anglais, illustre-t-il. Ce serait comme vendre des frigidaires aux Esquimos. On leur vend des barres.»

Au début de l'été, l'entreprise a lancé un autre produit, des tablettes de chocolat.

Un lancement rendu possible depuis qu'elle fabrique son propre chocolat, dans une toute nouvelle usine inaugurée il y a un peu plus d'un an.

Jean Leclerc aimerait bien que la sortie de ses tablettes de chocolat Leclerc ait le même effet que les barres sur sa colonne de revenus.

Il y a beau avoir tout plein d'études qui vantent les qualités du chocolat, la partie n'est pas gagnée d'avance. «On est sur le marché avec ça contre les Lindt de ce monde.»

Décidément, comme Obélix, Jean Leclerc cherche d'autres Romains avec lesquels s'amuser...