L'élection d'une majorité démocrate à la Chambre des représentants pourrait permettre au spectre du protectionnisme de revenir hanter le Congrès américain.

L'élection d'une majorité démocrate à la Chambre des représentants pourrait permettre au spectre du protectionnisme de revenir hanter le Congrès américain.

"Je pense qu'il peut y avoir de sérieux problèmes pour le Canada", déclare Thomas James Velk, professeur d'économie à l'Université McGill.

Il rappelle que les démocrates ont tendance à être plus protectionnistes que les républicains, à favoriser davantage l'imposition de tarifs élevés sur les biens provenant de l'étranger.

Francis Généreux, économiste au Mouvement Desjardins, explique que les démocrates sont historiquement plus proches des milieux syndicaux, du secteur manufacturier. Donc, plus protectionnistes. Mais c'est peut-être un peu moins vrai aujourd'hui.

"Les démocrates sont peut-être un peu plus à droite depuis l'ère Clinton, avance M. Généreux. Clinton avait appuyé l'accord de libre-échange nord-américain au début de son premier mandat."

Le professeur Velk abonde dans le même sens: à part quelques exceptions, les nouveaux démocrates sont un peu plus conservateurs que leurs aînés, plus favorables à la libéralisation des marchés. Mais voilà, ceux qui auront plus de pouvoir dans le nouveau régime, ceux qui présideront les comités les plus importants de la Chambre des représentants, seront les démocrates de la vieille garde, plus protectionnistes.

Protectionnisme

M. Velk estime toutefois que le maintien d'une majorité républicaine au Sénat pourrait permettre d'endiguer une vague de protectionnisme. En outre, il rappelle que le président américain a un pouvoir de veto sur certaines législations émanant du Congrès.

"Mais même si George W. Bush est idéologiquement un libre-échangiste, il pourrait décider de ne pas s'opposer au protectionnisme des démocrates afin de conserver son énergie pour d'autres batailles, déclare M. Velk. Il a d'autres soucis plus importants à ses yeux, comme la guerre."

Un professeur de science politique à l'UQAM, Christian Deblock, ne craint pas un déferlement d'attitudes protectionnistes. Ce qu'il entrevoit, par contre, c'est un congrès qui refuse de renouveler le mandat spécial de négociation, le Trade Promotion Authority (TPA), accordé au président américain.

Ce mandat, qui viendra à échéance le 1er juillet prochain, permet au président de négocier des traités commerciaux à l'abri des ingérences du Congrès. Les traités ainsi négociés sont soumis au Sénat et à la Chambre des représentants qui ont un délai plutôt court pour les approuver ou les rejeter en bloc.

M. Deblock rappelle que M. Bush avait eu de la difficulté à obtenir ce mandat au début des années 2000, alors qu'il y avait une majorité républicaine dans les deux chambres.

"Là, ce sera beaucoup plus difficile, soutient-il. Sans ce mandat, l'administration pourra toujours négocier un accord, mais il sera étudié pièce par pièce au Congrès."

Le professeur Velk estime que, sans ce mandat, l'administration Bush aurait eu de la difficulté à conclure une entente sur le bois d'oeuvre avec le Canada. Or, il y a encore d'importantes questions à régler entre le Canada et les États-Unis, comme les restrictions aux frontières, qui risquent d'entraver le commerce entre les deux pays.

Le budget

La politique budgétaire américaine est également une question qui peut avoir des conséquences sur l'économie canadienne.

"Il faut que l'économie américaine soit en santé pour que nous soyons en santé", rappelle M. Velk.

Historiquement, les gouvernements démocrates ont tendance à dépenser davantage que les gouvernements républicains. L'administration Bush n'a cependant pas donné sa place en fait de dépenses ces dernières années, notamment en raison de la guerre en Irak, ce qui a généré un important déficit qui inquiète de ce côté-ci de la frontière.

"L'assez bonne situation économique de l'année dernière a aidé le déficit américain à se résorber un peu, mais ça reste un gros déficit par rapport aux surplus budgétaires de la fin des années 90", indique Francis Généreux, du Mouvement Desjardins.

Il s'attend à ce que les "nouveaux démocrates", qui ont pu apprécier les effets des surplus budgétaires de l'administration Clinton, favorisent des budgets équilibrés.

"On ne s'attend pas à de grosses coupes dans les dépenses, mais on s'attend à un gouvernement fédéral qui va y aller un peu plus lentement avec les nouvelles dépenses", déclare-t-il.

Le professeur Velk, lui, craint que les démocrates ne favorisent des hausses d'impôts, ce qui pourrait ralentir la croissance de l'économie américaine.

"Et ça, ce serait mauvais pour le Canada."