Dans les entreprises, la communication est un principe clé. Mais si tout le monde sait parler, très peu savent communiquer. Les experts constatent qu'en ce domaine, il faut parfois revenir à la base.

Dans les entreprises, la communication est un principe clé. Mais si tout le monde sait parler, très peu savent communiquer. Les experts constatent qu'en ce domaine, il faut parfois revenir à la base.

Sonia Jolicoeur, 37 ans, est secrétaire-réceptionniste à Granby. L'an dernier, elle et 11 de ses collègues de Liné Machines-Outils se sont offert une journée d'apprentis cowboys à la Ferme du Joual Vair.

Le matin, ils ont formé deux équipes chargées de disperser un troupeau de vaches. L'objectif de l'après-midi? Être les premiers à ramener au ranch le bétail de l'autre équipe.

«Au début, on faisait l'erreur de partir tous en même temps quand on voyait une vache au loin, raconte Mme Jolicoeur. Mais comme il ne restait personne pour surveiller le bétail déjà rassemblé, il recommençait à s'éparpiller.»

Travail d'équipe

La sortie, qui avait simplement un but ludique, a considérablement développé leur sens du travail en équipe, dit-elle.

«On s'est rendu compte à quel point on était plus efficace quand on se parlait.»

Ce n'est pas un hasard si bien des grandes entreprises offrent à leur personnel des activités extérieures de ce genre.

Dans un contexte non-professionnel, les employés découvrent parfois comment ils pourraient améliorer leurs façons de travailler.

Evelyn de Blois, formatrice chez Technologia, a constaté que l'un des irritants les plus fréquents en milieu de travail est le manque de communication. Qu'importe le type d'entreprise.

«Une quantité impressionnante de gens ne savent pas à quoi sert leur travail ni celui des autres, remarque Mme de Blois. Pourtant, dans un groupe ou un processus, il est essentiel de pouvoir se situer.»

La formatrice raconte qu'à l'occasion d'une conférence téléphonique, le patron d'une grande entreprise avait demandé le même rapport à tous ses directeurs des ventes. Faute d'explications suffisantes, chaque directeur avait pondu un rapport différent, dont la longueur variait d'une ligne à... 22 pages.

Mécontent, le patron croyait que ses subordonnés "auraient dû savoir" ce qu'il voulait.

Mme de Blois lui a expliqué qu'au contraire, il ne fallait jamais présumer.

«En équipe, on doit constamment rectifier les perceptions, les valider», dit-elle.

Peu importe l'ancienneté des employés. Aujourd'hui, la volonté d'aller toujours plus vite nuit énormément à la qualité des communications.

«On prend des raccourcis, on utilise des acronymes, en présumant que tout le monde sait de quoi on parle», déplore la consultante.

Elle met aussi en garde contre les décisions prises lors de réunions rapides, tenues sur le coin d'un bureau.

«Quelqu'un doit les mettre par écrit. Sinon, qui s'en souviendra dans trois mois? Sans parler des absents, qui ne peuvent pas deviner.»

Au minimum, un courriel bref et concis s'impose dans ce cas. «On peut aussi se doter d'un répertoire commun pour consigner les développements importants, dit la formatrice. Les gens doivent alors se responsabiliser et consulter le répertoire pour s'informer.»

D'autres parlent trop

Si certaines équipes ne parlent pas assez, d'autres ne savent pas où s'arrêter. Ni comment passer leurs messages.

«J'ai déjà rencontré une équipe à qui on avait explicitement interdit de faire - pardonnez l'expression - des jokes de cul, car elles rendaient certains membres mal à l'aise», se rappelle Dominique Sens, consultant en transformation organisationnelle et chargé de cours à HEC.

Dans un groupe prompt à critiquer, Dominique Sens avait instauré avec succès une règle surprenante. Chaque réunion commençait par une période de cinq minutes où chacun pouvait exprimer ses doléances.

Par la suite, toute remarque non constructive était frappée d'une amende de 1$ qu'on versait dans une grosse tirelire.

Cette règle a provoqué des situations cocasses. Une fois, en plein débat, une personne énervée avait ostensiblement sorti cinq dollars de son portefeuille. Tout le monde avait ri, et l'atmosphère s'était détendue.

Au-delà du tact et de la politesse, il demeure que le premier facteur d'échec des groupes de travail, selon M. Sens, est l'imprécision du résultat visé.

Avant tout, les membres d'une équipe doivent pouvoir répondre sans hésitation aux questions de base suivantes: «Quelle est ma tâche? Comment contribue-t-elle au projet dans son ensemble? Que font les autres? Quel est l'échéancier?»

Le non-dit est le pire ennemi. Dominique Sens se souvient d'une PME où on avait omis de préciser qui devait enclencher le système de sécurité.

Pour le patron, c'était évident: le dernier à quitter l'entrepôt devait s'en charger. Son équipe ne l'a pas compris ainsi. L'entreprise a fini par se faire dévaliser et a dû fermer peu après.