Après deux jours de controverse, la Banque Royale change d'idée et accepte d'offrir des comptes en dollars américains à ses clients canadiens possédant aussi la citoyenneté de l'un des six pays inscrits sur la liste noire des États-Unis.

Après deux jours de controverse, la Banque Royale change d'idée et accepte d'offrir des comptes en dollars américains à ses clients canadiens possédant aussi la citoyenneté de l'un des six pays inscrits sur la liste noire des États-Unis.

Depuis novembre, la Banque Royale a fermé environ 25 comptes en dollars américains de citoyens canadiens possédant un passeport de l'Iran, l'Irak, Cuba, le Soudan, la Corée du Nord et la Birmanie.

Au Québec, moins d'une dizaine de clients ont été affectés par cette décision. L'institution bancaire se justifiait en invoquant les lois américaines, sans préciser lesquelles.

Mais hier après-midi, la Banque Royale a changé son fusil d'épaule. Elle a annoncé que les Canadien, qui sont aussi citoyens de l'un de ces six pays pourront détenir un compte en dollars américains. À condition de vivre au Canada pour de bon, précise toutefois la Royale.

«Ils peuvent avoir un compte s'ils ne résident plus dans le pays sanctionné et s'ils n'y retournent pas fréquemment», explique Raymond Chouinard, directeur des relations avec les médias.

La plus importante institution bancaire au pays a-t-elle fait volte-face devant la pression des communautés visées?

«Nous concédons que nous avons apporté une nuance importante à notre politique, dit M. Chouinard. C'est malheureux que certains clients aient été visés par une décision qui n'aurait peut-être pas dû être prise. Nous allons réviser tous les dossiers et rouvrir à nos frais les comptes de nos clients qui résident au Canada et qui se qualifient ainsi pour un compte en dollars américains chez nous.»

La Banque Royale se trouvait isolée. Elle était la seule banque au pays à fermer les comptes de Canadiens possédant la double citoyenneté.

Son explication: elle est aussi la seule banque à s'approvisionner en dollars américains aux États-Unis, par l'entremise de sa succursale de New York. Ses concurrents se procureraient leurs dollars américains à l'intérieur du système bancaire canadien.

«Les comptes en dollars américains ne sont pas identiques d'une institution bancaire à l'autre, dit M. Chouinard. Nous croyons que les transactions des comptes en dollars américains des autres institutions bancaires sont effectuées au Canada et non aux États-Unis.»

Les clients voient rarement la différence entre un compte en dollars américains géré aux États-Unis et un autre géré au Canada. La loi américaine, oui.

Les banques ayant pignon sur rue aux États-Unis sont assujetties à une réglementation plus sévère.

«Ces institutions doivent respecter les lois américaines, incluant les sanctions économiques envers différents pays, explique à La Presse Affaires Molly Millerwise, porte-parole du Trésor américain. Quant aux institutions bancaires qui n'ont pas de présence physique aux États-Unis, elles ne sont pas soumises aux mêmes lois et doivent juger par elles-mêmes les risques qu'elles sont prêtes à courir quand elles offrent des comptes en dollars américains.»

Dans le cas des comptes en dollars américains, la Banque Royale doit se plier à plusieurs textes de loi, dont le Patriot Act, adopté après les attentats du 11 septembre 2001.

Depuis hier (mercredi), l'institution bancaire est d'avis qu'elle peut offrir des comptes en dollars américains aux Canadiens possédant la double citoyenneté sans contrevenir aux lois américaines.

Tout est bien qui finit bien? Pas tout à fait. Car les dollars de l'Oncle Sam restent toujours la propriété de l'Oncle Sam.

«Ultimement, la Réserve fédérale américaine est responsable de ses dollars, fait remarquer Tom Velk, professeur d'économie à l'Université McGill. Elle peut choisir de ne pas honorer un chèque d'une personne qui ne pouvait légalement détenir un compte en dollars américains. Cette personne risque alors de se retrouver avec un compte vide, à moins que la banque canadienne accepte de la rembourser.»

Pourquoi toute cette intrigue bancaire? «Les États-Unis sont en guerre, répond le professeur Velk. Ils ne veulent quand même pas que leurs ennemis se servent de leur propre argent pour se battre contre eux!»

Mercredi, le titre de la Banque Royale a gagné 18 cents (0,33%) pour clôturer la séance à 45,50 $ à la Bourse de Toronto.