Ce n'est pas encore l'Alberta, pas même la Colombie-Britannique ni la Saskatchewan, mais il se passe quelque chose dans l'exploration pétrolière et gazière au Québec. Jamais le territoire n'a fait l'objet d'autant de demandes de permis.

Ce n'est pas encore l'Alberta, pas même la Colombie-Britannique ni la Saskatchewan, mais il se passe quelque chose dans l'exploration pétrolière et gazière au Québec. Jamais le territoire n'a fait l'objet d'autant de demandes de permis.

Le grand patron de Junex, firme d'exploration établie à Québec, explore le sous-sol québécois depuis une trentaine d'années. «Avant de se faire prendre au sérieux, ça prend du temps, souligne Jean-Yves Lavoie. Mais aujourd'hui, les roads shows sont plus faciles.»

Plus faciles? En tout cas, l'époque où les explorateurs se faisaient traiter d'hurluberlus semblent derrière nous.

Cette année, les données du ministère des Ressources naturelles et de la Faune indiquent que pas moins de 7,5 millions d'hectares de terres québécoises sont sous permis pour l'exploration pétrolière et gazière.

Un record, qui représente l'équivalent de la taille du Nouveau-Brunswick.

La grandeur du territoire sous permis est en progression quasi constante depuis 1995. Il y a 12 ans, à peine 500 000 hectares faisaient l'objet de convoitise de la part des entreprises d'exploration.

Ces permis entraînent des dépenses d'exploration. Depuis trois ans, on parle de quelque 20 millions de dollars par année, selon Jean-Yves Laliberté, coordinateur de l'exploration au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. Et cette année?

«Peut-être un peu plus», avance-t-il prudemment.

Que s'est-il donc passé? Marc André Lavoie, qui a quitté le secteur des produits dérivés de BNP Paribas à Londres avant de devenir numéro 2 de l'entreprise d'exploration Gastem, voit trois facteurs qui ont joué en faveur du Québec.

D'abord, les prix du gaz naturel. Ils oscillent entre 6 $ US et 8 $ US depuis l'été 2004 (avec une pointe à plus de 15 $ US en décembre 2005, après les ouragans les plus dévastateurs de l'histoire des États-Unis).

Ce qui intéresse Gastem, ce sont les «shale gas» (même le ministère des Ressources naturelles n'a pas de traduction).

«Les shale gas sont au gaz conventionnel ce que les sables bitumineux sont au pétrole», explique Marc André Lavoie.

En clair, il s'agit de gaz qui se trouve encore dans la roche, à quelque 1,5 km de profondeur. Pour le dégager, on doit injecter de l'eau et du sable, ce qui libère le gaz.

Les «shale gas» sont plus chers à mettre en production que le gaz conventionnel, entre 1,50$ et 2$ par millier de pieds cubes, comparativement à environ 25 cents pour des réserves conventionnels, selon les chiffres de Gastem.

Il y a aussi la présence du pipeline depuis le début des années 80. «Le gaz ici est sec, pas sulfureux, avance Marc André Lavoie. On peut le brancher directement sur le réseau.»

On n'a donc pas besoin, comme par le passé, de trouver une immense quantité de gaz qui rendrait rentable la construction d'un pipeline. Il est déjà là.

Enfin, il y a la technologie. Depuis une dizaine d'années, des pétrolières américaines ont réussi à extraire du gaz de la même manière que Gastem veut le faire dans les «shale gas» des Basses-Terres du Saint-Laurent.

Une de ces entreprises, Forest Oil, dont la société mère est à Denver, au Colorado, a d'ailleurs annoncé cette semaine son intention de poursuivre son partenariat avec Gastem (elle en a un semblable avec Junex).

En gros, Forest Oil verse 2,5 millions à Gastem et obtient le droit d'effectuer des tests sur deux puits, un à Saint-François-du-Lac et l'autre, à Saint-Louis-de-Richelieu.

Forest Oil n'est pas le seul grand acteur qui a récemment débarqué au Québec. L'albertaine Talisman fore aussi ses trous dans la région de Bécancour dans ce que les spécialistes appellent les dolomies hydrothermales.

Talisman a déjà fait des découvertes de gaz importantes dans l'État de New York et espère répéter l'exploit au sud du lac Saint-Pierre.

«Ils sont les experts de ce type de gisement-là», explique M. Laliberté, du Ministère.

Pour lui, le travail des dernières années commence à porter ses fruits: «On s'approche de découvertes, tant dans les Basses-Terres du Saint-Laurent qu'en Gaspésie.»

Jean-Yves Lavoie, de Junex, regarde de son côté en direction des Maritimes, où une entreprise comme Corridor Resources exploite déjà du gaz. Sa capitalisation boursière atteint 833 millions en date d'hier, c'est 17 fois plus que celle de Junex.

«Ça démontre que dans l'Est, c'est possible, dit-il.