Vous avez des pertes d'équilibre, des troubles de vision et des crises d'anxiété? L'heure est grave. Vous êtes atteint de la Calgaria.

Vous avez des pertes d'équilibre, des troubles de vision et des crises d'anxiété? L'heure est grave. Vous êtes atteint de la Calgaria.

La quoi? La Calgaria, une maladie inventée par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse afin de convaincre ses expatriés partis profiter du boom économique albertain de revenir à la maison.

«Ou du moins, qu'ils gardent la Nouvelle-Écosse dans leur plan de carrière», dit Angela Campbell, porte-parole du ministère des Communications de la Nouvelle-Écosse.

Pour séduire des travailleurs âgés entre 25 et 35 ans, il fallait une campagne de publicité qui sorte de l'ordinaire. D'où l'idée de la Calgaria, une maladie qui affligerait les Néo-Écossais de Calgary.

Les symptômes - développer un intérêt pour les bouchons de circulation, accepter de payer 350 000 $ pour une maison et le pire de tous, devenir un partisan des Flames - s'aggravent au fil des mois passés à Calgary.

Heureusement, la Calgaria n'est pas une maladie incurable. Comme l'alcoolisme, elle se traite d'abord par une intervention de ses proches. Le gouvernement a d'ailleurs mis en ligne sur son site internet une intervention (fictive) particulièrement réussie...

La campagne contre la Calgaria a eu lieu presque exclusivement sur le web. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a même créé un site internet spécialement pour l'occasion (www.calgaria.ca). La campagne a pris fin vendredi dernier.

En un mois, 37 602 personnes ont visité le site internet de la Calgaria. Environ 46 % des visiteurs provenaient de l'Alberta. «Nous avons reçu beaucoup de bons commentaires même si certains Albertains (de souche) sont restés un peu surpris», dit Mme Campbell.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'a pas inventé la Calgaria pour vexer les Albertains. La province lutte désespérément contre la migration de ses travailleurs. Selon Statistique Canada, la Nouvelle-Écosse est l'une des deux seules provinces - l'autre étant Terre-Neuve - dont la population a diminué entre le 1er octobre et le 1er janvier dernier.

Le boom économique albertain n'est pas étranger au déclin démographique de la Nouvelle-Écosse. En 2006, la province a vu 7589 de ses résidents déménager en Alberta, pour un solde migratoire entre les deux provinces de 4517 personnes en faveur de l'Alberta.

Par habitant, la migration vers l'Alberta est un phénomène six fois plus important en Nouvelle-Écosse qu'au Québec! Des 10 provinces canadiennes, c'est toutefois la Saskatchewan qui est la plus touchée par la Calgaria: 1,5 % de sa population a déménagé en Alberta en 2006.

Le Québec atteint lui aussi

Le Québec commence lui aussi à être sur ses gardes. En 2006, le nombre de Québécois ayant déménagé en Alberta a doublé, passant de 4606 à 9333.

«Ce n'est pas mauvais en soi qu'il y ait des mouvements de travailleurs en fonction des réalités économiques, dit Michel Kelly-Gagnon, président du Conseil du patronat du Québec. Mais nous sommes préoccupés qu'il s'agisse d'une tendance structurelle et non conjoncturelle. Quand Francesco Bellini (le PDG de Neurochem) décide de déménager en Alberta, ce n'est sûrement pas pour souder des pipelines! Au-delà du boom pétrolier, l'Alberta est peut-être en train de se doter d'un avantage structurel à long terme face au Québec.»

Pour l'instant, le gouvernement du Québec ne songe pas à conscientiser ses expatriés des dangers de la Calgaria. Il mise plutôt sur les négociations de l'Accord sur le commerce intérieur relatives à la mobilité de la main-d'oeuvre.

De toute façon, même si la campagne contre la Calgaria a fait couler beaucoup d'encre, elle n'a pas eu l'effet escompté, pense Michel Kelly-Gagnon.

«Je trouve cette campagne de publicité cute et attachante, dit-il. Toute personne garde toujours une trace de sa terre natale dans son coeur. Mais d'autres facteurs influencent davantage nos choix, comme le type d'emplois disponibles, le salaire et le taux d'imposition.»