En réponse à des accusations persistantes de fraude portées par des joueurs de poker en ligne, la Kahnawake Gaming Commission a déclenché une enquête au sujet d'un site appartenant à un de ses fondateurs, l'ex-grand chef Joe Norton.

En réponse à des accusations persistantes de fraude portées par des joueurs de poker en ligne, la Kahnawake Gaming Commission a déclenché une enquête au sujet d'un site appartenant à un de ses fondateurs, l'ex-grand chef Joe Norton.

L'organisme mohawk, qui a pour mandat depuis 1996 de s'assurer que les casinos virtuels hébergés à Kahnawake rencontrent les «plus hauts principes d'honnêteté et d'intégrité», a confié l'enquête à la firme australienne Gaming Associates.

Le site ciblé, AbsolutePoker.com, est un des 10 plus fréquentés au monde dans son domaine. Il appartient à Tokwiro Enterprises, enregistrée au nom de Joseph Tokwiro (Joe) Norton, selon le Registre québécois des entreprises.

M. Norton a été grand chef du conseil de bande de Kahnawake de 1978 à 2004, et il a participé à la création de la Gaming Commission en 1996.

Il a également siégé au conseil d'administration de Mohawk Internet Technologies, un serveur informatique de Kahnawake qui héberge plus de 200 casinos virtuels de partout dans le monde.

Depuis plusieurs semaines, un groupe de joueurs soutient sur différents forums spécialisés avoir obtenu des preuves (fondées notamment sur une base de données confidentielle fournie par erreur par Absolute Poker) qu'un joueur aidé par un observateur (opérant tous deux à partir des bureaux costaricains d'AbsolutePoker.com) a triché lors d'un tournoi en ayant accès aux cartes cachées de ses adversaires.

Ces accusations, qui remontent à la mi-septembre mais qui ont connu un regain d'intérêt considérable cette semaine, laissent croire qu'un compte de «superutilisateur» permet à certains administrateurs du site d'accéder en temps réel à des données stratégiques.

Absolute Poker a d'abord démenti avec vigueur les prétentions des joueurs dans un communiqué.

«Après une enquête approfondie (...) nous avons déterminé avec une certitude raisonnable qu'il est impossible pour quelque joueur ou employé que ce soit de voir le contenu des cartes des adversaires, écrit l'entreprise. Rien dans la technologie que nous utilisons ne permet l'utilisation d'un compte de superutilisateur.»

Pas de recours

Insatisfaits de cette réponse, les présumées victimes ont multiplié les sorties sur les forums internet spécialisés; ils ont créé un site - absolutepokercheats.com - et ont même diffusé sur YouTube un film recréant les séquences de jeu présumément frauduleuses.

«Nous avons décidé de faire un maximum de bruit pour dénoncer cette affaire parce que nous n'avons pas d'autre recours, affirme Serge Ravitch, un des responsables de la démarche. Le poker sur l'internet entre dans une vaste zone grise aux États-Unis. Ça ne donnerait absolument rien de demander au FBI ou à n'importe quel autre corps de police d'enquêter; ils ne le feraient pas.»

La démarche des joueurs semble avoir été fructueuse. Vendredi, Absolute Poker a reconnu avoir détecté «une infraction à la sécurité qui a exposé nos systèmes pour une période de temps limitée» et s'est engagé à rembourser les joueurs lésés, selon les magazines Cardplayer et Bluff.

Au Québec, le ministère de la Sécurité publique considère que les casinos virtuels hébergés à Kahnawake sont illégaux, même s'ils y sont depuis une dizaine d'années.

Une unité mixte d'enquête sur le crime autochtone a été créée en 2005, notamment pour enquêter sur ces sites. Un comité interministériel sur le jeu en territoire autochtone se penche aussi sur la question depuis 2006.

Dans l'industrie du poker en ligne, la Kahnawake Gaming Commission, un organisme qui relève directement du conseil de bande, jouit d'une réputation très favorable. Les sites qu'elle accrédite sont réputés fiables.

L'organisme n'a pas rappelé La Presse pour expliquer les raisons de cette enquête. M. Norton a pour sa part raccroché lorsque La Presse l'a joint sur son cellulaire.