Le projet de loi qui modifie le cadre des régimes complémentaires de retraite afin de mieux assurer leur solvabilité sera substantiellement amendé, mais cela ne devrait pas empêcher son adoption avant l'ajournement des Fêtes.

Le projet de loi qui modifie le cadre des régimes complémentaires de retraite afin de mieux assurer leur solvabilité sera substantiellement amendé, mais cela ne devrait pas empêcher son adoption avant l'ajournement des Fêtes.

La ministre de l'Emploi et de la Sécurité sociale Michelle Courchesne a ainsi indiqué que "des ajustements importants" seront sans doute apportés aux dispositions présentes qui auraient permis à un futur retraité de faire garantir sa rente par un assureur. "Je suis sensible aux arguments qui ont été avancés sur le fait qu'une telle mesure pourrait devenir coûteuse, a-t-elle dit mercredi soir à l'issue des consultations menées en commission parlementaire. Elle risque de créer deux classes de retraités: les nouveaux retraités qui pourront se prévaloir de la mesure, et les retraités actuels qui n'y auront pas accès."

La ministre a par ailleurs réitéré sa volonté de créer une provision pour écart défavorable (PED). Elle aurait pour effet d'endiguer les risques d'insolvabilité, c'est-à-dire une situation où la valeur de l'actif d'un régime est inférieure à celle de ses engagements envers les retraités présents et futurs. Tant que cette provision qui pourrait équivaloir jusqu'à 7% de la valeur des engagements ne sera pas comblée, les employeurs ne pourront pas prendre de congés de cotisation.

Les groupes patronaux se sont opposés en bloc à cette disposition, mais montrés prêts à l'accepter si la loi garantit qu'elle leur reviendrait de droit, en cas de terminaison du régime. La ministre n'a pas évoqué pareille avenue qui exigerait la réécriture d'un bon nombre d'articles du projet 30. "La provision, ce coussin de sécurité qui sera présent dans chaque régime, atténuera à long terme la fluctuation des cotisations pour les employeurs", a-t-elle plutôt affirmé.

Les congés de cotisation dans les 973 régimes de retraite à prestations déterminées surveillées par la Régie des rentes ont totalisé 2 milliards, entre 2001 et 2003. Avec la baisse des taux d'intérêt et les mauvais rendements boursiers en 2001 et 2002, ils sont responsables de la détérioration de la solvabilité des régimes. Fin septembre, 84% des régimes étaient encore en situation d'insolvabilité, selon un échantillon suivi par la firme d'actuaires Aon.

Tout déficit de solvabilité doit être comblé en un maximum de cinq ans par des cotisations supplémentaires versées par les employeurs. D'où leur réticence à devoir attendre que la PED soit provisionnée avant de pouvoir recommencer à prendre des congés. La ministre leur offre cependant un baume en leur permettant d'acquitter une partie de leurs obligations au moyen d'une lettre de crédit bancaire.

En réitérant sa volonté de créer une PED, Mme Courchesne peut ainsi mieux renoncer à la garantie de la rente par un assureur qui aurait représenté un peu la ceinture après les bretelles.

Elle a enfin laissé entendre que le processus d'arbitrage en cas de désaccord sur l'utilisation de surplus pour bonifier le régime sera repensé à la lumière des objections apportées. Les syndicats avaient fait valoir que la dynamique des relations de travail aurait été ainsi mise en péril. Elle maintient cependant que les retraités auront voix au chapitre au nom du principe d'équité.

Pour que le projet de loi 30 soit adopté avant les Fêtes, dans l'hypothèse où des élections ne soient pas déclenchées d'ici là, les amendements à venir devront être soumis à l'Assemblée nationale au cours du mois. "On y travaille déjà depuis un bon moment", admet prudemment en entrevue Pierre Plamondon, actuaire en chef de la Régie.

Il précise cependant que le processus ne fera pas obstacle à la création de régimes de retraite à financement salarial (RRFS). Ces régimes prévoient des cotisations patronales fixes, sans droit de congé, mais font porter la solvabilité sur les épaules des participants. "Dans certaines entreprises de taille moyenne, c'est la seule façon de mettre sur pied un régime", précise Henri Massé, président de la FTQ qui réclame depuis des années la possibilité de créer des RRFS, comme ils existent déjà dans d'autres provinces.

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