Les acteurs du développement économique croient en la protection de l'environnement. Mais pour arriver à concilier écologie et économie, les principaux intervenants doivent d'abord arriver à dialoguer.

Les acteurs du développement économique croient en la protection de l'environnement. Mais pour arriver à concilier écologie et économie, les principaux intervenants doivent d'abord arriver à dialoguer.

C'est la théorie de l'organisation internationale The Natural Step, qui se donne entre autres la mission d'aider les entreprises à prendre le virage du développement durable. Une approche qui a séduit des entreprises comme IKEA, McDonald's en Suède, Electrolux et Nike.

"Cela fait 17 ans que notre méthode est testée", explique le fondateur de The Natural Step, l'oncologue suédois Karl-Henrik Robèrt, au cours d'une entrevue en marge du plus récent Forum Tremblant sur la responsabilité sociale des entreprises et le développement durable, où il a pris la parole.

Organisme à but non lucratif fondé en Suède en 1989, TNS est désormais présent dans 12 pays, dont le Canada, où il offre ses services de consultation en développement durable aux entreprises, gouvernements et organismes communautaires.

Sa méthode privilégie la démocratie participative au lieu de ce que le scientifique appelle la démocratie manipulatrice. "C'est long au début, mais beaucoup plus efficace à long terme."

TNS questionne les entreprises sur leurs procédures, propose des solutions et veut faciliter le dialogue. "Mais attention, on aide les entreprises à prendre le virage du développement durable, pas celui de la décroissance. Elles restent des entreprises et non des organismes à but non lucratif", précise Dr Robèrt.

Il voit sa méthode comme un virus qu'il faut inoculer en partant des gouvernements locaux, comme les municipalités. "On crée son modèle à petite échelle puis on l'étend comme une toile d'araignée. Il y a urgence, donc il ne faut pas attendre", souligne-t-il.

Quatre principes

Toute l'action de The Natural Step s'articule autour de quatre grands principes, qu'il faut inculquer aux partenaires :

on n'utilise pas plus que ce que la nature peut nous donner ;

on élimine l'utilisation de substances chimiques ;

on ne détruit ni transforme les milieux naturels ;

on remet en question notre système.

Pour le fondateur de TNS, toute entreprise qui planifie le développement durable sera plus compétitive. Et nombreuses sont les entreprises qui ne prennent toujours pas le virage vert à cause de problèmes sociétaux, ajoute-t-il. "La compétition économique implique de ne pas partager les connaissances d'une entreprise à l'autre, le leadership politique est faible et les médias de masse ne ciblent pas le sujet."

Le fondateur se dit prêt à travailler avec toute entreprise qui démontre de l'intérêt. Il rappelle qu'au début des années 90, IKEA a fait appel à ses services après des révélations sur l'utilisation de produits chimiques. "Je considère que je suis soumis au même code d'éthique qu'une université, explique-t-il. Je ne peux refuser personne, comme une université ne peut refuser un criminel qui veut apprendre."

Ainsi, lorsque la direction d'IKEA a approché son organisation, il affirme avoir été franc avec les dirigeants de l'entreprise. "Je leur ai dit que je n'avais pas de méthode miracle, de solutions rapides, mais que si l'entreprise ne devenait pas socialement responsable, elle ne survivrait pas", raconte-t-il.

Dr Robèrt va plus loin pour préserver la réputation de TNS. Il affirme que si une entreprise utilise la méthode de son organisation simplement pour se donner une image responsable, sans en appliquer les principes, The Natural Step est prêt à dénoncer et poursuivre.

Au Canada

Au Canada, plusieurs municipalités ont suivi la méthode TNS, comme la Ville d'Halifax et la municipalité de Whistler.

Karin Marks, mairesse de Westmount, a découvert TNS lorsque le Dr Karl-Henrik Robèrt a donné sa conférence au Forum Tremblant , le mois dernier. "C'est un début pour Westmount. C'est très stimulant d'avoir autant d'intervenants et d'idées", expliquait celle qui a planifié une rencontre avec les représentants canadiens de TNS.

Même si le site Internet canadien n'est pas encore bilingue, les représentants de The Natural Step entendent s'implanter au Québec. L'organisme compte sur une associée, Andrée Mathieu, chargée de cours en gestion durable à l'Université de Sherbrooke.

Après avoir étudié durant 12 ans les méthodes de TNS, elle est convaincue de leur efficacité. "Ce n'est pas une recette, dit-elle, mais des principes de base qui peuvent être respectés de plusieurs façons et qui permettent de contester chaque décision. Mais une entreprise ne doit pas aller jusqu'à compromettre son existence, sinon elle n'appliquera jamais les principes du développement durable."

Un diagnostic discuté

Mais l'approche du Dr Robèrt ne fait pas l'unanimité.

Corinne Gendron, professeure titulaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'UQAM, pense que c'est une solution parmi tant d'autres. "La dimension sociale semble être le parent pauvre de son approche", lance-t-elle.

Mme Gendron réfute aussi le diagnostic du Dr Robèrt voulant que tout le monde soit conscient des problèmes environnementaux et que le dialogue puisse résoudre les différends. "Ce n'est pas toujours vrai et c'est simpliste, croit-elle. La méthode est intéressante, mais le conflit ne se dissout pas toujours dans la concertation."

"Le problème de l'environnement n'est pas un problème de communication. Réorienter l'économie en tenant compte de l'environnement implique un changement dans les règles et la structure, c'est très complexe", soutient-elle.

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