En plus d'être un fana d'informatique, Frédéric Collin est un acheteur compulsif de produits culturels.

En plus d'être un fana d'informatique, Frédéric Collin est un acheteur compulsif de produits culturels.

Pas une semaine ne passe sans qu'il ne se procure des CD, des DVD, des livres ou des magazines.

Sa passion pour le magasinage virtuel le sert bien en cette période de force du dollar canadien, lui qui visite depuis leurs débuts les sites eBay ou Amazon.com. Ces temps-ci, il fait de très bonnes affaires en achetant directement aux États-Unis.

«Même si tu payes des frais de livraison, tu économises, dit-il, parce qu'au Canada, non seulement les prix n'ont pas été ajustés par rapport au taux de change, mais en plus, tu dois payer la T.P.S. et la T.V.Q.»

Le fait que les prix ne soient pas ajustés à la nouvelle réalité du dollar le fait fulminer. «Les gens n'ont pas l'impression de se faire avoir parce qu'ils payent le même prix qu'avant, alors ils ne s'en rendent pas compte. Mais en fait, ils payent trop cher. Même quand les articles sont en promotion. Les gens ont l'impression d'avoir des aubaines qui, en fait, n'en sont pas.»

Il donne l'exemple d'un de ses magazines préférés, Wired. «Ça me coûte moins cher de le faire venir des États-Unis que de l'acheter au Canada. Souvent, dans le cas des magazines, tu peux payer un abonnement annuel aux États-Unis 25$, 30$, alors qu'au Canada, ça peut être 100$.»

De l'importance de comparer

Quand le dollar canadien valait 70 cents, on comprend la différence de prix, mais pourquoi restent-ils les mêmes quand il en vaut presque 94 cents aujourd'hui?

C'est ce que déplore l'organisme Option consommateurs, qui, à la lecture d'une récente étude de BMO/Nesbitt-Burn confirmant que les consommateurs canadiens payent en moyenne 8% de plus que les Américains pour les mêmes biens, a réagi en invitant les acheteurs à porter plainte auprès du Conseil québécois du commerce. Et même à «s'abstenir d'acheter des produits importés dont le prix devrait être réajusté.»

«Qui s'en met plein les poches, on ne le sait pas, lance Michel Arnold, directeur général d'Option Consommateurs. C'est plutôt complexe. Mais ce qu'on peut constater, c'est que lorsque le dollar canadien valait moins, les commerçants ont ajusté leurs prix en conséquence. Comme se fait-il que cela ne se fasse pas avec le mouvement inverse? Comment se fait-il que tout reste au même prix qu'il y a cinq ou six mois et que rien se ne reflète à la caisse enregistreuse?»

La concurrence devrait régler ce problème, c'est-à-dire que les consommateurs pourraient simplement acheter là ou les prix ont été ajustés au taux de change, mais Michel Arnold souligne que «la concurrence semble faire comme si de rien n'était.»

«J'ai hâte de voir le premier marchand qui va faire bénéficier les consommateurs de la force du dollar. Alors là, on va voir la concurrence s'installer. C'est pour ça qu'il est important d'en parler.»

Et d'être vigilants. Le directeur général d'Option consommateurs rappelle que si les gens n'hésitent pas à magasiner et comparer les prix pour de grosses dépenses – comme par exemple une voiture, un cinéma maison ou une piscine – ils sont moins regardants face aux petites.

«Ça vaut la peine de regarder les prix, car si on achète une vingtaine de CD ou de DVD par année, on peut faire des économies signifiantes.»

Des produits américains, vraiment?

Du côté des commerçants, on soutient que la réalité est beaucoup plus complexe.

«Le taux de change est une composante du prix, mais ce n'est pas la seule, explique Gaston Lafleur du Conseil québécois du commerce. Il y a toute une chaîne dans l'approvisionnement auquel le détaillant doit faire face, ce n'est pas lui qui fixe les prix. Il y a tout un ensemble de coûts, comme la livraison, l'entreposage, le courtage, les frais de gestion et de main d'oeuvre.»

Et dans cette chaîne, soutient-il, les profits que peut faire le commerçant avec un dollar fort peuvent être annulés, par exemple, par la hausse du prix de l'essence.

«L'autre aspect, si on veut bien comprendre la chose, c'est qu'un produit qu'on achète à 1 $ US et qu'on revend 5$, la variation du taux de change ne se fait que sur le 1 $ US, l'économie est à l'achat, et non au coût de détail.»

M. Lafleur concède cependant que si la parité du dollar canadien avec le dollar américain devient une tendance qui se maintient, il devrait y avoir un ajustement de prix.

Denis Pascal, vice-président principal du secteur détail du Groupe Archambault, confirme la complexité du problème.

«Notre approvisionnement se fait auprès de fournisseurs canadiens, alors l'impact du dollar canadien, on ne le ressent pas vraiment dans le CD ou le DVD. Par exemple, les gens ont l'impression que le coffret DVD des Sopranos est un produit américain, mais on doit savoir qu'il est manufacturé au Canada. Et puisqu'il est produit au Canada, les coûts ne sont pas les mêmes, ni les quantités produites, par rapport au marché américain, beaucoup plus grand.»

Et il y a des particularités, comme celle du monde du livre. «C'est légiféré, explique Denis Pascal. Le règlement prévoit que les distributeurs doivent assurer une marge de profit de 40% pour le détaillant, afin de protéger les petites librairies. Cela dit, le détaillant n'est pas obligé de ventre à 40% de profit, c'est à sa guise, mais les librairies sont pas mal alignées sur le prix du distributeur.»

Enfin, dans le cas des produits en promotion, donc moins chers, tout dépend du public cible. Denis Pascal souligne que le détaillant propose des rabais sur des titres plus porteurs que d'autres pour attirer sa clientèle cible. Par exemple, le dernier album de Pierre Lapointe risque de coûter moins cher chez Archambault que chez Chapters, une librairie anglophone.

Et il y a aussi les titres phares, comme le prochain Harry Potter, que proposent des chaînes comme Costco ou Wal-Mart sans avoir à tenir un catalogue comme une vraie librairie.

Morale de l'histoire? Que les boulimiques de culture s'habituent à magasiner, afin d'éviter, en nourrissant leur esprit, d'affamer leur budget!