Mardi matin à 9 h 46, avant même que le Canadien moyen n'ait eu le temps de finir sa première tasse de café achetée en 2007 dans la machine distributrice du bureau, son salaire annuel moyen de 38 100 $ avait déjà été dépassé par la plupart des 100 présidents d'entreprise les plus riches au Canada.

Mardi matin à 9 h 46, avant même que le Canadien moyen n'ait eu le temps de finir sa première tasse de café achetée en 2007 dans la machine distributrice du bureau, son salaire annuel moyen de 38 100 $ avait déjà été dépassé par la plupart des 100 présidents d'entreprise les plus riches au Canada.

Un bulletin publié mardi par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a mis en relief l'écart considérable entre les salaires des présidents d'entreprises les mieux payés au pays et les salaires des travailleurs ordinaires: «Les 100 présidents d'entreprises les mieux rémunérés au pays gagnent en moyenne 9 059 113 dollars par année, soit 238 fois le salaire annuel de l'employé canadien moyen» (38 100 $), a dit l'économiste Hugh Mackenzie, chercheur au CCPA.

Selon M. MacKenzie, cet écart a plus que doublé dans les dernières décennies, une illustration parmi d'autres de la concentration des revenus et de la richesse au Canada, dit-il.

«Mais ces chiffres sont tellement grands qu'ils ne veulent pas dire grand-chose pour la majorité des gens ordinaires», dit M. Mackenzie.

L'économiste a donc calculé combien de temps les patrons les plus riches prennent pour gagner le salaire canadien moyen, et il se trouve que la réponse se calcule en minutes, en heures et en quelques jours, même pas en semaines.

«Quand on convertit ces montants en temps, ça les rend plus facile à comprendre.»

Le chef de la direction moyen atteint le salaire moyen canadien à 9 h 46 mardi, selon M. Mackenzie. Quand on compare avec le salaire minimum canadien moyen, c'est encore plus vite.

Le chef de la direction moyen «atteint le salaire annuel du Canadien payé au salaire minimum à midi et quarante, le jour de l'An» (15 931 $).

En moyenne, ce groupe d'élite de patrons avait déjà gagné 70 000 $ mardi soir quand les Canadiens étaient en chemin pour rentrer chez eux.

M. Mackenzie a aussi fait l'exercice avec le plus riche et le plus «pauvre» des 100 patrons qui figurent au palmarès des patrons les mieux payés au Canada.

Dès le 1er janvier à 10 h 04, en ce lendemain de veille férié, le plus riche des présidents d'entreprises canadiennes avait déjà gagné tout l'argent que gagne en un an le salarié canadien moyen. Il gagne autant qu'un village de 1967 habitants payés le salaire moyen.

Le moins payé du groupe des 100 chefs d'entreprise les mieux rémunérés devra attendre encore toute une journée (demain à 12 h 39, durant son lunch) pour atteindre le salaire canadien moyen.

Il peut se consoler en se disant qu'il a déjà atteint le salaire annuel moyen de l'employé payé au salaire minimum (moyenne canadienne) à midi et quarante mardi.

Ici, l'usage du pronom personnel «il» n'inclut pas le féminin comme dans la règle grammaticale: «Ce sont tous des hommes», note M. Mackenzie.

Le Centre canadien de politiques alternatives se décrit comme un institut de recherche indépendant et non partisan sur les enjeux de justice économique et sociale.

Pourquoi le citoyen moyen devrait-il s'intéresser à ce que les patrons les plus riches gagnent ? Après tout, si les patrons deviennent riches, n'est-ce pas un signe que l'économie performe et que la marée monte pour tout le monde ?

«Premièrement, comme le disait (le sénateur américain) Ted Kennedy, cette marée-là, curieusement, soulève les yachts de luxe, pas les chaloupes à rames!», répond M. Mackenzie.

Durant les dernières trois ou quatre années, la classe moyenne canadienne a vu son revenu moyen progresser un peu, mais si on regarde la moyenne des 25 ou 30 années en dollars constants, la progression est à peu près nulle. «Tandis que les 5 % les mieux rémunérés font des gains de plus en plus grands», dit M. Mackenzie.

Il ajoute que c'est encore plus vrai quand on regarde la tranche de 1 % les plus fortunés, et encore plus vrai au sujet de la tranche 0,1 % composée de quelques centaines de contribuables, et ainsi de suite.

M. Mackenzie dit que ces inégalités importent: «Quand les plus riches gagnent 238 fois le salaire moyen, c'est un signe de classes sociales qui risquent d'être complètement déconnectées.»

Ses données sont un signe que le Canada se polarise, à l'image des États-Unis des dernières années. «Ça n'a certainement pas l'ampleur de ce qu'on observe là-bas, mais c'est un signe qu'on s'engage dans cette voie nous-aussi.»

Une tendance à l'encontre de la perception qu'ont les Canadiens du pays comme d'une société essentiellement de classe moyenne, dit-il.

Le bulletin publié mardi par le CCPA ne personnifie pas les salaires du Top 100 et il existe au moins une bonne raison méthodologique pour cela. Comme les chiffres de 2006 ne sont pas encore disponibles M. Mackenzie a utilisé les données 2005 de Statistique Canada pour les revenus moyens et la liste annuelle des salaires 2005 des chefs de la direction publiée en mai dernier par un quotidien de Toronto.

Pour des fins d'illustration, il projette ces données de 2005 sur l'année 2007 qui vient de commencer, mais on ne sait évidemment pas qui sera le patron le mieux payé au Canada cette année, ni ce que sera le salaire moyen en 2007. Les données pour 2006 seront compilées d'ici quelques mois.

Le patron le mieux payé du top 100 2005 était Hank Swartout, président et chef de la direction du Precision Drilling Trust, de Calgary, qui a encaissé une rémunération totale de 74 824 335 $.

C'est le Canadien National, de Montréal, qui emploie le patron qui occupe le deuxième rang des mieux payés de 2005, Hunter Harrison, qui a gagné 56 219 496 $.

Le dernier du Top 100 de 2005 utilisé dans le bulletin du CCPA publié mardi était Claude Dussault, de la banque ING-Canada. Il avait gagné 3 097 628 dollars en 2005.