Faux tirages, escroqueries téléphoniques, courriels-pièges... le télémarketing frauduleux est de plus en plus efficace. Avertissement: le consommateur, lui, doit être de plus en plus averti. Comment les fraudeurs procèdent-ils pour embobiner les honnêtes gens?

Faux tirages, escroqueries téléphoniques, courriels-pièges... le télémarketing frauduleux est de plus en plus efficace. Avertissement: le consommateur, lui, doit être de plus en plus averti. Comment les fraudeurs procèdent-ils pour embobiner les honnêtes gens?

Le Centre opérationnel de lutte au télémarketing frauduleux de la GRC nous a fait écouter leurs boniments. Une habileté diabolique (Cadeau: la lecture de ce dossier vous fait courir la chance de ne pas gagner un tirage frauduleux.)

La voix est sympathique, chaleureuse, basse, avec un léger vibrato radiophonique qui respire la respectabilité.

«Bonjour Mme H, vous allez bien? J'ai malheureusement une mauvaise nouvelle, ce matin. Après vérification avec les services fédéraux, vous allez être finalement obligée de verser un acompte de 15 000$ sur les taxes avant que nous vous remettions votre prix de 2 millions de dollars.»

Lors de cet appel de suivi, l'homme règle les derniers détails de l'affaire et donne à la vieille dame le nom du conseiller juridique à l'ordre duquel la traite bancaire devra être libellée.

«Je ne voudrais pas perdre ces 15 000$», s'inquiète-t-elle d'une voix fatiguée, dans le lent débit de la Géorgie. «Non, absolument pas, aucune inquiétude à avoir», répond son interlocuteur.

Il demande aimablement s'il peut faire quelque chose d'autre pour elle, lui souhaite de joyeuses Pâques, et signale au passage que, par le plus grand hasard, il ira lui-même passer le week-end pascal en famille dans la région d'Atlanta, où il espère «avoir du plus beau temps qu'ici, à Seattle».

Il appelait de Montréal, le plus important centre canadien de fraude par télémarketing.

Cet enregistrement réalisé par la GRC montre éloquemment l'habileté des fraudeurs par télémarketing et la relation de confiance qu'ils réussissent à établir avec leurs victimes.

Sur la photo que brandit Geneviève Laurin, aide-enquêteur de la GRC au Centre opérationnel de lutte au télémarketing (COLT), l'aimable conseiller se révèle être un musculeux barbu à l'air arrogant.

Les personnes âgées, souvent isolées et vulnérables, sont les cibles privilégiées des escroqueries téléphoniques.

«Sur un de nos enregistrements, raconte Geneviève Laurin, un homme dit à un autre: «Si tu avais entendu ça, tu aurais tellement ri, c'était probablement le pire cas d'alzheimer que j'ai rencontré dans ma vie!» Pour ces escrocs, il est alors encore plus facile de leur soutirer de l'argent.»

L'arnaque de la loterie visait d'abord le «marché» américain, mais, de plus en plus, les escrocs étendent leurs tentacules au Canada - à domicile, quoi.

«Aux États-Unis, la taxe sur les gains de loterie et de tirage leur donne une longueur d'avance face à la victime, qui se pose moins de questions, explique Mme Laurin. Au Canada, on ne paie pas de taxe. Les escrocs utilisent d'autres prétextes: frais d'administration ou de transport, droits de douane...»

L'escroquerie typique permet de soutirer quelque 10 000$, mais la fraude atteint quelquefois 100 000$.

Pour arriver à ce résultat, il faudra de nombreux appels téléphoniques et quelquefois des semaines de persévérance.

«Il ne s'agit pas tant de faire pression que de créer un lien avec la victime», expose Yves Leblanc, sergent d'état-major par intérim du COLT. La conversation peut durer 10 minutes avant que l'interlocuteur n'aborde le vif du sujet, qui n'occupe que les 30 dernières secondes de l'échange. "

«Ces victimes ont 80 ou 85 ans, sont seules à la maison, et personne ne s'occupe d'elles, ajoute-t-il. Les fraudeurs, eux, s'en occupent.»