Pour la première fois de sa vie, Martin Boyer a pilé sur ses principes. À l'ouverture de la vente des billets du Canadien, il s'est mis en ligne avec des milliers d'autres amateurs du club montréalais.

Pour la première fois de sa vie, Martin Boyer a pilé sur ses principes. À l'ouverture de la vente des billets du Canadien, il s'est mis en ligne avec des milliers d'autres amateurs du club montréalais.

«Je n'étais plus capable de trouver des billets sans payer le gros prix, explique-t-il. Nous nous sommes mis à huit personnes et nous sommes allés nous procurer des bracelets à différents moments de la journée afin de maximiser nos chances.»

Si Martin Boyer s'excuse presque d'avoir fait la file devant le Centre Bell, c'est qu'en plus d'être un grand amateur de hockey, il enseigne le comportement des consommateurs à HEC Montréal.

Au cours des dernières années, il a observé la hausse du prix des billets du Canadien, qui fait salle comble au Centre Bell depuis janvier 2004.

«Les prix pourraient encore augmenter de 20% et le Centre Bell serait toujours plein», pense le professeur à HEC Montréal.

Le Canadien de Montréal contrevient ainsi à la théorie d'élasticité des prix, qui veut que la demande pour un bien diminue à mesure que son prix augmente. Quel est le secret du président Pierre Boivin? Son équipe est inélastique - au plan économique - s'entend.

«La demande pour les billets du Canadien est inélastique, dit François Marticotte, professeur de marketing à l'UQAM. Ce phénomène est généralement associé aux biens de première nécessité que les gens ont l'obligation d'acheter comme l'essence. Or, les amateurs de hockey ont un lien émotionnel très fort avec le Canadien. Ils ont apparemment besoin d'acheter des billets même si c'est irrationnel au plan économique.»

Selon la firme américaine Team Marketing Report, le Canadien a augmenté ses billets en moyenne de 7,1% cette saison. Le magazine américain Forbes conclut plutôt à une hausse de 18%, mais il s'agit d'une hausse en dollars américains.

Conformément à sa politique de ne pas répondre aux questions financières, le Canadien n'a pas voulu commenter les chiffres de Forbes ni ceux de Team Marketing Report.

Cette saison, l'équipe dit avoir augmenté le prix de ses billets de saison de 3 à 5% et le prix de ses billets au public d'environ 3%. Le Canadien a toutefois refusé de fournir à La Presse Affaires son échelle de prix pour la saison 2006-2007 afin que nous puissions calculer la hausse des prix cette saison.

Selon le Canadien, 25% des billets lors de ses matchs au Centre Bell coûtent moins de 30$ et 39% des billets coûtent moins de 50$.

D'autres hausses à prévoir

Selon la plupart des économistes consultés par La Presse Affaires, les détenteurs de billets du Canadien devront s'attendre à d'autres hausses de prix au cours des prochaines saisons.

Le professeur Martin Boyer croit même que le Canadien pourrait se permettre une hausse drastique de 50% sans dégarnir ses coffres.

«À court terme, le Centre Bell continuerait d'être plein, croit le professeur Martin Boyer. Mais je ne suis pas sûr que ce serait un bon signal à envoyer à long terme. Les jeunes partisans, qui ne pourront plus se permettre d'assister aux matchs, se désintéresseraient peut-être des matchs à la télévision. L'équipe ne veut pas non plus revenir au temps du Forum, où on lui reprochait que tous les billets dans les rouges étaient détenus par des vieux bonhommes en cravate.»

Selon Philip Merrigan, professeur d'économie à l'UQAM, le Canadien se contentera d'une hausse annuelle inférieure à 10%. «Le Canadien connaît bien son marché», dit-il.

«Il veut augmenter le prix de ses billets le plus possible sans trop tirer sur l'élastique. En bas de 10%, les clients vont accepter la hausse sans faire d'histoires.»

Vigueur du huard

Le professeur François Marticotte n'est pas d'accord. Non seulement les amateurs de hockey montréalais n'ont-ils pas les poches assez profondes pour absorber une hausse considérable, le Canadien aura de la difficulté à hausser ses prix la saison prochaine en raison de la vigueur du dollar canadien.

«Il faudra de l'imagination au Canadien afin de trouver des raisons de hausser encore le prix de ses billets», dit-il.

Peu importe les fluctuations du huard, son collègue Martin Boyer croit que le Canadien ne dérogera pas de sa stratégie de tarification: augmenter le prix des billets chaque année, conserver une section de sièges à bas prix et exiger un prix plus élevé pour les meilleurs matchs de la saison.

«C'est normal que les gens paient plus cher pour voir le Canadien contre Toronto que contre Nashville, dit-il. De toute façon, il y a au moins 5000 partisans des Maple Leafs à chaque match à Montréal. Aussi bien faire payer le gros prix aux gens de Toronto...»