Dès 2002, avant même le lancement des fonds communs Norbourg, Vincent Lacroix avait déjà commencé à pratiquer l'art du détournement de fonds en se servant dans les 20 M$ que Desjardins avait confiés à Norbourg en gestion à partir de 1999.

Dès 2002, avant même le lancement des fonds communs Norbourg, Vincent Lacroix avait déjà commencé à pratiquer l'art du détournement de fonds en se servant dans les 20 M$ que Desjardins avait confiés à Norbourg en gestion à partir de 1999.

Et ce sont les investisseurs des fonds communs de Norbourg qui ont payé la note quand, en 2004, Desjardins a commencé à avoir des doutes sur Norbourg et a exigé de récupérer ses billes.

C'est ce qu'affirme Vincent Lacroix dans la transcription d'un interrogatoire déposé mercredi en cour par le syndic Gilles Robillard, de RSM-Richter.

Dès 1999, la division Opvest de Desjardins (aujourd'hui Desjardins Gestion d'Actifs), a confié 5 millions à Norbourg et à son partenaire LBA inc, de Montréal. D'autres versements ont porté la somme à 20 millions en 2003. Norbourg avait été retenu comme fonds «hedge» (aussi appelé «fonds de couverture») une stratégie utilisant des mécanismes financiers complexes pour diversifier le risque.

Or, en 2004, quand Desjardins a subitement réclamé la totalité de son placement, il en restait «zéro», affirme M. Lacroix. Tout l'argent de Desjardins avait été détourné pour éponger les pertes et acquisitions de Norbourg, pour financer les investissements de M. Lacroix, ou simplement perdu dans des placements spéculatifs ayant tourné à la catastrophe.

Qu'a fait Vincent Lacroix? Il a simplement liquidé des milliers d'actions détenues dans les trois fonds communs Norbourg et utilisé l'argent des investisseurs pour faire un chèque de 22,4 millions de dollars à l'ordre de Desjardins, en juin 2004.

Avec l'argent de Desjardins, M. Lacroix dit avoir fait toutes sortes d'achats, y compris l'achat d'actions d'une équipe de hockey junior de Thetford Mines et 400 000 $ dans l'aménagement d'une loge corporative à l'aréna local.

L'évaporation des millions de Desjardins semble résulter autant des détournements que de l'incompétence de l'équipe de M. Lacroix. Il reconnaît avoir été «dépassé» par la complexité du fonds «hedge», dès le premier jour des opérations sur produits dérivés qu'il était censé faire.

Le 30 juin 2000, deux mois seulement après avoir commencé les opérations, la coentreprise Norbourg-LBA dans le fonds Opvest «allait vraiment mal», dit M. Lacroix. Norbourg «a décidé de prendre ou d'emprunter, si on veut» entre 100 000 et 150 000 $ dans le capital, quitte à «embellir» les rapports financiers.

Autant les détournements que la mauvaise performance des placements étaient maquillés dans des rapports «embellis» que Norbourg remettait à Desjardins.

De plus, la comptabilité était tellement triturée et déficiente que M. Lacroix est incapable, encore aujourd'hui, de dire combien il devait réellement à Desjardins: «À ce moment-là (en 2004, quand Desjardins a rappelé ses fonds), j'avais aucune idée, aucune idée du montant qu'on devait à Desjardins.»

Durant le premier jour de son témoignage, M. Lacroix évalue à au «minimum» entre 7 et 8 millions l'argent qu'il siphonné dans les fonds communs Norbourg, en 2004 pour payer Desjardins. «Puis ça, on le fait à vol d'oiseau, mais approfondir, là, je serais pas mal plus persuadé qu'on y va beaucoup plus profond.»

Lors de ses comparutions subséquentes, M. Lacroix a admis qu'il restait «zéro» de l'argent de Desjardins.

Les «ponctions» dans l'argent de Desjardins ont continué au fil des ans, sans que les gestionnaires de fonds de Desjardins s'en aperçoivent. Une des «ponctions», de 400 000 $, a été déguisée comme une perte en Bourse dans un rapport à Desjardins Opvest: «Opvest nous a appelés: «Qu'est-ce qui s'est passé dans le portefeuille?» Ben, écoute, Nortel a baissé. Puis ça s'est terminé là», raconte M. Lacroix.

Opvest Desjardins n'était pas pour autant satisfait et, pendant un certain temps, a même cessé de verser les frais de gestion à Norbourg. Mais il n'y a pas eu de vérification serrée, même si Desjardins Opvest avait «l'ensemble des outils pour évaluer si le rapport était bon ou pas», affirme M. Lacroix.

Le gardien de valeurs Northern Trust s'en tenait à un rôle de «boîte à malle», exécutant tous les transferts ordonnés par Norbourg sans poser de questions.

Il admet qu'il y a eu «une perte de contrôle sur tout ce qui était l'opération du fonds hedge», explique M. Lacroix. Un cafouillage comptable s'est produit. Le compte chez Northern Trust et celui du courtier exécutant les transactions, Investpro, qui étaient censés balancer, sont devenus impossibles à réconcilier.

Rich Jurek, de Northern Trust, a indiqué mercredi que la firme n'avait aucun commentaire.

Desjardins était au courant des difficultés que M. Lacroix disait avoir avec Northern Trust et se fiait aux états de compte maison (trafiqués) de Norbourg, affirme M. Lacroix.

André Chapleau, du Mouvement Desjardins a indiqué à La Presse Affaires que les gestionnaires d'Opvest se fiaient effectivement aux rapports envoyés par Norbourg, qui avait jusqu'en 2004 bonne réputation.

C'est à la suite d'un article défavorable dans le magazine Finance et Investissements que Desjardins a retiré son mandat à Norbourg, dit M. Chapleau: «Premièrement, M. Lacroix se vantait de gérer nos fonds, ce qui a rompu le lien de confidentialité; de plus, l'article posait des questions sur la gouvernance de Norbourg et l'origine des fonds de M. Lacroix. Desjardins a des critères stricts au sujet des gestionnaires externes, Norbourg ne les rencontrait plus, nous leur avons retiré nos comptes. Si on avait agi autrement, on nous le reprocherait aujourd'hui.»

M. Chapleau a indiqué que Desjardins n'a aucune obligation ni intention de rembourser les investisseurs de Norbourg.