Le malheur des employés d'Alcan à Kitimat, en Colombie-Britannique, ne fera pas le bonheur des travailleurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Le malheur des employés d'Alcan à Kitimat, en Colombie-Britannique, ne fera pas le bonheur des travailleurs du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Une décision défavorable rendue il y a une semaine par la société des services publics de la Colombie-Britannique force Alcan à remettre en question un investissement de deux milliards de dollars à Kitimat. Alcan n'a toutefois pas l'intention d'utiliser les sommes qui pourraient ainsi être libérées pour accélérer son projet d'expansion de l'aluminerie d'Alma.

"Alma, c'est assurément un très bon projet, mais ce qui nous limite, c'est la disponibilité de l'énergie", affirme le nouveau président et chef de la direction du groupe Alcan Métal primaire, Michel Jacques, au cours d'une entrevue accordée à La Presse Affaires dans son bureau du siège social d'Alcan, à Montréal.

Il rappelle que la grande région du Saguenay-Lac-Saint-Jean a eu sa part d'investissements au cours des derniers mois avec la construction d'un usine de traitement de la brasque à Jonquière, un projet de 210 millions, et surtout, la construction d'un usine-pilote à Arvida où sera développée une technologie d'électrolyse révolutionnaire, la technologie AP50. Il s'agit d'un projet de 570 millions.

"Il y aura beaucoup de travail dans la région, assure M. Jacques. Il faut être gourmand, mais pas trop."

Il souligne toutefois que la principale contrainte au développement d'Alcan au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à l'heure actuelle, c'est l'énergie.

"C'est clair qu'au Québec, on pourrait accélérer les projets si l'énergie était disponible", lance-t-il.

En décembre dernier, Alcan a annoncé qu'elle investira plus de deux milliards de dollars au Saguenay-Lac-Saint-Jean au cours des 10 prochaines années, ce qui comprend l'investissement de 570 millions dans l'usine-pilote d'Arvida. L'entreprise bénéficiera de prêts sans intérêts de 400 millions et d'avantages fiscaux de 112 millions de la part du gouvernement québécois. Mais surtout, elle pourra compter sur un bloc d'énergie additionnel de 225 mégawatts au tarif L (industriel) à partir de 2010.

Alcan devra alors décider si elle mettra en branle le projet d'expansion de l'aluminerie d'Alma, si elle agrandira l'usine-pilote d'Arvida, ou si elle mettra en oeuvre une combinaison des deux. En annonçant son investissement de deux milliards, Alcan s'est engagée à ajouter 400 000 tonnes à sa capacité de production dans la région.

"Si on savait qu'on aurait un bloc d'énergie additionnelle en 2015, on pourrait avoir Arvida et Alma 2, et dépasser 450 000 tonnes", affirme M. Jacques.

Il indique toutefois qu'il n'y a aucune discussion en cours à ce sujet avec le gouvernement du Québec et Hydro-québec.

Du pain sur la planche

"Nous avons assez de pain sur la planche pour les années à venir", explique-t-il.

Alcan a d'ailleurs les mains pleines avec les conséquences de la décision de la société des services publics de la Colombie-Britannique, qui a rejeté une convention d'achat conclue avec BC Hydro. Cette convention aurait permis à Alcan de vendre à BC Hydro des surplus d'électricité pouvant aller jusqu'à 380 mégawatts. Plusieurs groupes, dont le maire de Kitimat, Richard Wozney, s'étaient opposés à cette convention notamment parce qu'ils estimaient que le prix offert à Alcan pour son électricité était trop élevé.

Alcan avait soutenu que cette convention constituait une condition pour le projet de modernisation de l'aluminerie de Kitimat. La vente des surplus d'électricité produits par Alcan à Kitimat représente en moyenne 10% des revenus de l'aluminerie.

M. Jacques se montre très déçu de la décision de la société des services publics de la Colombie-Britannique.

"Ça fait une dizaine d'années que nous essayons de trouver une solution pour remplacer des installations vétustes de 50 ans", laisse-t-il tomber.

Le projet de modernisation permettrait d'augmenter de 60% la capacité de production de Kitimat tout en réduisant de 70% les émissions de gaz à effet de serre. Le projet de modernisation entraînerait cependant une diminution des effectifs. Toutefois, selon Alcan, les départs à la retraite prévus au cours des prochaines années permettraient de mener à bien le projet sans faire de mises à pied.

"Les astres sont alignés", soutient M. Jacques.

Si le projet devait être retardé, il faudrait trouver de nouveaux employés pour compenser les départs à la retraite. Et risquer de devoir les licencier après quelques années.

"Nous serions devant un problème social plus important", déplore le président de Métal primaire.

Il ajoute qu'à l'heure actuelle, le marché de l'aluminium se porte à merveille et que l'entreprise a les ressources financières nécessaires pour investir.

"Nous sommes dans une industrie cyclique, fait-il remarquer. À un moment donné, nous serons dans un creux. Les projets qui n'auront pas été lancés devront attendre la prochaine vague."

Il mentionne que si Alcan devait décider de mettre le projet de Kitimat sur la glace, elle pourrait utiliser les sommes libérées pour accélérer d'autres projets dans le monde, ou encore, pour augmenter sa participation dans des projets communs en développement, notamment à Oman, en Afrique du Sud ou au Cameroun.