Depuis son arrestation pour blanchiment d'argent, Martin Tremblay passe ses nuits avec 150 autres détenus dans un dortoir de la prison de Brooklyn, à New York. Il doit retourner devant le tribunal demain, où son sort pourrait être connu. L'enquête de notre journaliste lève le voile sur le réseau québécois de l'homme d'affaires.

Depuis son arrestation pour blanchiment d'argent, Martin Tremblay passe ses nuits avec 150 autres détenus dans un dortoir de la prison de Brooklyn, à New York. Il doit retourner devant le tribunal demain, où son sort pourrait être connu. L'enquête de notre journaliste lève le voile sur le réseau québécois de l'homme d'affaires.

Le 20 janvier 2006, le gestionnaire de fonds Martin Tremblay est arrêté à New York pour de présumées activités de blanchiment d'argent. La nouvelle crée une onde de choc à Montréal. Du coup, la fortune de plusieurs riches Québécois est compromise, fortune qui se calcule en dizaines de millions de dollars.

La nouvelle est particulièrement embarrassante pour l'associé de longue date de Martin Tremblay, Marc Beaudoin. Cinq jours après l'arrestation de Tremblay, tous les comptes de Marc Beaudoin ont été gelés par les autorités boursières canadiennes, a appris La Presse Affaires .

Beaudoin a même été contraint de démissionner de son poste de représentant en valeurs mobilières de Research Capital, à Montréal. Ses affaires transitaient entièrement par Tremblay, aux Bahamas, nous a indiqué le chef de la conformité de Research Capital, Vanessa Gardner.

Aux États-Unis, la justice américaine n'est pas tendre envers Tremblay. La police accuse le Saguenéen d'avoir blanchi un milliard de dollars américain entre 1998 et 2005 à l'aide de sa firme Dominion Investments, des Bahamas.

L'argent aurait été blanchi pour le compte de fraudeurs boursiers, de trafiquants de drogue et de particuliers pratiquant l'évasion fiscale.

Plusieurs jugent que la somme de 1 milliard de dollars est gonflée. Mais la police a une preuve accablante: une vidéo de Tremblay acceptant de blanchir l'argent d'un faux trafiquant de drogue russe, qui est en fait un agent de la Drug Enforcement Agency (DEA).

Le sort du Saguenéen de 44 ans pourrait être connu demain. Martin Tremblay se dit innocent, mais jusqu'à récemment, ses avocats négociaient la possibilité qu'il plaide coupable à des accusations réduites. En juillet, une offre de 70 mois de prison était sur la table, a dit Martin Tremblay à ses proches.

Injuste, le sort de Martin Tremblay ? C'est l'avis de sa mère, Danielle Vaillancourt, que nous avons rencontrée à sa villa de Paradise Island, aux Bahamas. Elle soutient que son fils est victime d'un complot de la GRC et de la police américaine comparable à l'affaire Arar.

"C'est absolument farfelu. Comme s'il pouvait avoir un réseau pour blanchir un milliard de dollars, avec quatre petits employés", a dit Mme Vaillancourt, dans un reportage publié dans La Presse samedi.

Selon notre enquête, toutefois, ce n'est pas d'hier que Martin Tremblay et Marc Beaudoin aident des clients fortunés à cacher de l'argent. Transferts discrets de fonds aux Bahamas, transactions en argent comptant, clients anonymes... Le premier est actif à Nassau, dans le paradis fiscal des Bahamas, tandis que le second travaille à Montréal.

"Marc Beaudoin faisait tout simplement du lessivage, justement avec Martin Tremblay. Il avait peut-être l'équivalent d'un demi-million de dollars en cash à Montréal. Quand un client offshore avait besoin d'argent à Montréal, il se servait de cette encaisse-là. Et il faisait des entrées comptables aux Bahamas", a expliqué une source proche de Beaudoin.

Pour faire de telles entrées, Marc Beaudoin s'est longtemps servi de comptes anonymes enregistrés auprès de l'Ansbacher Bank, aux Bahamas, nous indique notre source. Ces comptes à numéro, derrière lesquels se cachent des clients canadiens, achètent des fonds communs ou des actions de grandes entreprises canadiennes inscrites en Bourse.

Marc Beaudoin admet lui-même avoir eu recours à ce stratagème avec ses clients dans une déposition, en octobre 2000, à la Commission des valeurs mobilières du Québec (l'ancêtre de l'Autorité des marchés financiers)1.

"Je reçois énormément de business par Ansbacher. Si vous voulez vous ouvrir un compte direct avec moi, je vais vous référer à Ansbacher, puis vous allez remplir vos papiers chez Ansbacher, point à la ligne. Maintenant, si vous (ne) déclarez pas vos impôts... ça pourrait arriver...", a alors expliqué M. Beaudoin.

Deux documents déposés en Cour corroborent les activités illicites de Beaudoin. Le premier document, de la GRC, explique un stratagème d'évasion fiscale de 10 millions de dollars auquel a participé Marc Beaudoin, en 19922.

Dans un second document, en 2002, Beaudoin est décrit par son ex-partenaire comme un courtier qui a besoin d'argent liquide pour abreuver ses clients montréalais qui ont des comptes outre-mer3. Il sera plus amplement question des ces deux filières dans la suite de notre dossier, demain.