Nous publions ici la dernière partie de notre dossier sur la Bourse et les entreprises. Aujourd'hui, des experts s'interrogent sur le grand nombre de sociétés inscrites à la Bourse canadienne, et des entrepreneurs discutent des motifs de leur choix.

Nous publions ici la dernière partie de notre dossier sur la Bourse et les entreprises. Aujourd'hui, des experts s'interrogent sur le grand nombre de sociétés inscrites à la Bourse canadienne, et des entrepreneurs discutent des motifs de leur choix.

En 2005, 85 des quelque 240 sociétés nouvellement admises par le groupe TSX avaient une capitalisation boursière inferieure à 800 000 $.

Comment expliquer que l'accès au marché boursier canadien soit aussi facile pour de si petites entreprises? Indice: le Groupe TSX est en Bourse.

Le système boursier canadien est tricoté serré. Les maisons de courtage tirent des revenus des nouvelles inscriptions, des échanges d'actions, des fusions et des acquisitions. Elles sont les principaux actionnaires de la Bourse, qui elle-même est... en Bourse. Il y a plus: c'est le Groupe TSX, propriétaire de la Bourse de Toronto et de la Bourse de croissance TSX, qui fixe les critères d'entrée des entreprises. Pas les autorités des valeurs mobilières.

Dans un article publié en janvier dernier dans le University of Toronto Law Journal, Me Douglas Harris affirme que cette situation est un conflit d'intérêts qui va à l'encontre de l'intérêt public.

" Les Bourses devraient agir pour y mettre fin. Les avenues les plus prometteuses seraient sans doute de confier à un organisme indépendant le soin de déterminer les critères d'inscription ou de créer un marché séparé pour les entreprises qui ne les atteignent pas ", écrivait-t-il.

Depuis la parution de cet article, Me Harris a été nommé directeur de politique, de la recherche et de la stratégie du Service de réglementation du marché, l'équivalent ontarien de l'Autorité des marchés financiers du Québec.

Le conflit d'intérêts est simple. Pourquoi resserrer les standards lorsque leur allégement gonfle le chiffre d'affaires de la Bourse?

Les droits d'inscription sont la deuxième source de revenus du Groupe TSX. En 2005, ils frôlaient les 88 millions de dollars.

Des quelque 3500 sociétés publiques au Canada, 2000 sont des PME inscrites à sa Bourse de croissance.

En 2004, avec ses 3440 sociétés publiques, le Canada était au deuxième rang au monde, après les États-Unis. Les Bourses françaises en déclaraient 701; les allemandes, 660; les italiennes, 269.

Sommes-nous à ce point entrepreneurs? Non.

Le Canada, pays de ressources, accueille un nombre élevé de sociétés d'exploration. Les faibles critères d'entrée expliquent le reste, selon Me Harris et le professeur Jean-Marc Suret, de l'Université Laval.

Pour entrer à la Bourse de Toronto, " notre grosse Bourse ", l'exigence la plus élevée est d'avoir un bénéfice net avant impôts d'au moins 300 000 $ et un actif d'entreprise net de 7,5 millions.

Nous sommes bien loin des 5 millions de profits avant impôts recommandés par Stephen Jarislowsky, président du gestionnaire de portefeuilles Jarislowsky Fraser. Le célèbre financier est l'un de ceux qui croient que seules les entreprises bien rentables devraient être admises en Bourse.

" Ces milliers de titres ne veulent rien dire, déplore M. Suret. Entre 1990 et 2001, le taux de disparition des sociétés publiques inscrites sur les Bourses canadiennes a été de 100 %. Des centaines de sociétés sont des morts vivants et des centaines de titres valent moins de 10 cents. "

Le titre X, symbole boursier du Groupe TSX, lui, est passé de 9,95 $ à son entrée en novembre 2002 à un peu plus de 50 $, vendredi dernier.

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