Les chefs de la direction de 150 grandes entreprises du Canada annoncent aujourd'hui qu'ils se sont convertis à la science des changements climatiques et qu'ils prennent de toute urgence le virage vert.

Les chefs de la direction de 150 grandes entreprises du Canada annoncent aujourd'hui qu'ils se sont convertis à la science des changements climatiques et qu'ils prennent de toute urgence le virage vert.

Ils estiment que le moment est venu pour le monde entier, pour le Canada, pour son gouvernement, ses industries et ses citoyens d'agir vigoureusement afin de relever le défi de ces changements climatiques.

Le Conseil canadien des chefs d'entreprise (CCCE) rend public aujourd'hui un énoncé de principes intitulé Une croissance écologique – faire du Canada une superpuissance en environnement.

Dans ce document de 14 pages, que La Presse a obtenu, le CCCE affirme qu'il «croit fermement que les changements climatiques représentent l'enjeu le plus pressant et le plus important lié au défi environnemental et économique dans son ensemble»; c'est « le défi le plus fondamental auquel notre monde doit faire face aujourd'hui».

Cette profession de foi est le résultat d'une étude menée par 33 chefs de la direction du CCCE membres d'un comité ad hoc, le Groupe de travail sur le leadership environnemental.

Les membres du CCCE représentent un actif combiné de plus de 3500 milliards de dollars et ont un chiffre d'affaires annuel de plus de 800 milliards de dollars. Ils sont responsables de la grande majorité des exportations et des investissements au Canada.

Parmi ceux qui ont travaillé à l'énoncé du groupe, signalons des présidents de grandes pétrolières, tels Jean Bernier, d'Ultramar, Ron A. Brenneman, de Petro-Canada, et Marcel R. Coutu, de Canadian Oil Sands Limited, des PDG de grandes banques, tel Gordon M. Nixon, de la Banque Royale du Canada, ou de compagnies d'assurances comme Dominic D'Allessandro, de la Financière Manuvie, ainsi que Paul Desmarais Jr, président du conseil et co-chef de la direction de la société de gestion Power Corporation du Canada.

«Nous avons désormais une connaissance suffisante de la science des changements climatiques pour reconnaître la nécessité d'une action vigoureuse d'envergure mondiale, affirme l'énoncé du CCCE. Les défis sont énormes, mais ils comportent d'immenses possibilités pour le Canada. Nous partageons l'objectif de freiner, d'arrêter et de renverser la croissance des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) dans le délai le plus court qui soit raisonnablement possible. En tant que Canadiens et citoyens du monde, nous devons agir de manière décisive afin de réduire notre impact sur l'environnement et d'aider les autres habitants de la planète à s'adapter aux changements qui ne peuvent être évités.»

«Nous ne pouvons plus nous permettre de différer notre action en matière de changements climatiques, a déclaré à La Presse un coprésident du groupe de travail, Richard B. Evans (Alcan). Nous devons viser sans équivoque à réduire la charge de carbone de l'atmosphère au moyen de mécanismes de marché éprouvés et rationnels au plan économique et environnemental.»

Pour progresser, les chefs des grandes entreprises avancent cinq propositions clés qui auront également pour bénéfice de faire avancer l'avantage concurrentiel et la performance économique du pays. Ils demandent d'abord au gouvernement fédéral «un plan d'action cohérent».

Ils reprochent notamment aux gouvernements libéraux précédents, après les négociations sur Kyoto, leurs «promesses à l'emporte-pièce qui ont produit trop peu d'impacts concrets».

Le CCCE estime d'ailleurs que la recherche d'une cible nationale de réduction des GES est irréaliste et qu'il faut plutôt reconnaître, comme le fait d'ailleurs le gouvernement conservateur, qu'il faudra plus de temps que prévu aux industries grandes consommatrices d'énergie pour passer à une économie propre.

Mais elles doivent pour cela «compter sur un régime de politiques stables et prévisibles» qui ne nuise pas aux investissements déjà effectués.

Deuxièmement, toute la stratégie de lutte contre les changements climatiques devra avoir pour pierre d'assise l'investissement dans les nouvelles technologies, qu'il s'agisse de charbon épuré, de captage et de stockage du carbone, des biocarburants tels que l'éthanol cellulosique et le biodiesel, de l'énergie nucléaire, éolienne ou solaire, des piles à combustible, de l'énergie des déchets ou de l'hydroélectricité. Nous devrons être lucides, dit le rapport; ces investissements représenteront des coûts importants.

Troisièmement, il faut des objectifs clairs afin de pouvoir «faire davantage». Mais ces objectifs doivent être réalistes de façon à préserver la santé et la rentabilité des entreprises.

«En tant que grands producteurs, exportateurs et consommateurs d'énergie, affirme Richard George (Suncor Énergie), coprésident du groupe de travail, les Canadiens sont hautement motivés à trouver des solutions innovatrices aux changements climatiques. Nous n'avons qu'effleuré les possibilités qu'offre la technologie d'assurer une forte réduction des GES.»

Quatrièmement, le gouvernement devra, pour obliger les entreprises et les individus à changer leurs comportements, faire payer le pollueur tout en établissant « des mécanismes de marché conçus avec discernement comme l'échange de droits d'émission et la fiscalité environnementale ».

Enfin, le CCCE estime que le Canada doit être à la tête d'un processus international qui assurera la participation de tous les grands pays émetteurs comme la Chine, par exemple, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Le groupe de travail rappelle d'ailleurs à cet égard que Kyoto ne regroupe que 30 % des grands émetteurs de GES et qu'il faut impérativement faire mieux.