En dépit de l'ALENA et de la mondialisation, le français continue à dominer la vie économique québécoise.

En dépit de l'ALENA et de la mondialisation, le français continue à dominer la vie économique québécoise.

Selon une étude rendue publique par l'Institut C.D. Howe, 67,1% des entreprises étaient sous contrôle francophone en 2003 au Québec, une proportion qui n'a cessé d'augmenter au cours des 40 dernières années.

En outre, le statut économique des francophones et des personnes bilingues n'a cessé de s'améliorer dans la province pendant toutes ces années.

«Je n'aurais pas été surpris de voir une légère baisse de la place des francophones à cause de l'ALENA (Accord du libre-échange nord-américain), alors qu'en fait, il y a une légère augmentation», déclare l'un des auteurs de l'étude, François Vaillancourt, professeur au département de sciences économiques de l'Université de Montréal, en entrevue avec La Presse Affaires.

«C'est étonnant de voir la résistance de l'économie québécoise à la présence d'entreprises étrangères.»

En 1961, les francophones ne contrôlaient que 47,1% des entreprises au Québec. Les Québécois anglophones étaient très présents puisqu'ils contrôlaient 39,3% des entreprises. Le reste des entreprises, soit 13,6%, était sous contrôle étranger.

En 2003, les anglophones ne contrôlaient plus que 22,9% des entreprises au Québec et les étrangers, 10%.

Dans le secteur des finances, on assiste à un véritable renversement: en 1961, les francophones ne contrôlaient que 25,8% des entreprises de ce secteur alors que les anglophones étaient bien en selle avec un contrôle sur 53,1% des entreprises. Pas moins de 21,1% des entreprises étaient sous contrôle étranger.

En 2003, surprise, les étrangers ne contrôlaient plus que 9,3% des entreprises et les anglophones, 30,4%. Les francophones se réservaient la part du lion avec un contrôle sur 60,3% des entreprises.

M. Vaillancourt note toutefois que la croissance de la propriété francophone a ralenti entre 1991 et 2003, comparativement à un taux de croissance beaucoup plus rapide entre 1961 et 1991.

«Ça continue de monter, mais moins vite», indique-t-il.

Le chercheur note que la propriété des entreprises est un facteur déterminant dans l'utilisation du français sur le marché du travail au Québec. Or, le français se révèle de plus en plus payant.

«Lorsqu'on regarde les écarts de revenu, ce qui est intéressant, c'est que le rendement du français et du bilinguisme se renforce au Québec, autant pour les hommes que pour les femmes», déclare M. Vaillancourt.

En 1970, les hommes anglophones bilingues étaient au sommet de l'échelle avec un revenu moyen de 8938$. Les anglophones unilingues n'étaient cependant pas loin derrière, avec un revenu de 8171$.

Les francophones bilingues ne tombaient qu'au quatrième rang, avec un revenu de 7363$, derrière les allophones bilingues (7481$). Quant aux francophones unilingues, ils traînaient la patte avec un salaire de 5136$, derrière les allophones parlant anglais (6462$) et les allophones parlant français (5430$).

Les francophones bilingues ont finalement pris le haut du pavé en 2000 avec un revenu moyen de 38 851$, surpassant pour la première fois les anglophones bilingues, avec un revenu de 38 745$.

«Les langues qui survivent sont celles auxquelles on peut associer de l'argent, affirme M. Vaillancourt. Si votre langue ne vaut absolument rien, personne ne va l'apprendre.»

Il attribue l'amélioration du statut socio-économique des francophones à l'expansion du secteur public au Québec, à l'apparition du Québec inc., mais aussi au départ d'un certain nombre d'anglophones instruits au cours de la période 1970-2000, en raison de la menace de la souveraineté, mais aussi en raison de l'attrait de l'Ouest canadien.

L'anglais demeure cependant un outil important: en 2000, les anglophones unilingues et les allophones bilingues continuaient à surpasser les francophones unilingues quant au revenu moyen, ce qui amène M. Vaillancourt à préconiser une ou des années d'immersion en langue anglaise pour les jeunes québécois francophones.