Des objectifs coûteux pour l'économie et trop lourds à administrer pour les uns. D'un équilibre plutôt adéquat entre les torts des industries et ceux des consommateurs, pour les autres.

Des objectifs coûteux pour l'économie et trop lourds à administrer pour les uns. D'un équilibre plutôt adéquat entre les torts des industries et ceux des consommateurs, pour les autres.

Le nouveau programme fédéral de réduction des polluants atmosphériques annoncé hier à Toronto par le ministre fédéral de l'Environnement, John Baird, obtient un premier accueil très mitigé dans le milieu des affaires.

«Ce sont des cibles très sévères pour le secteur manufacturier en particulier, surtout au cours des trois prochaines années. Sans compter l'incroyable complexité administrative qui viendra avec leur mise en place», a indiqué Jayson Myers, économiste principal au regroupement des Manufacturiers et Exportateurs du Canada.

Une consolation toutefois, les nouveaux objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) sont établies selon l'intensité de l'activité d'affaires, plutôt qu'en nombre net et absolu.

Autrement dit, la principale cible de réduction des GES de 18 % d'ici 2010, et de 2 % par an ensuite jusqu'en 2015, sera mesurée parmi les entreprises en fonction de leur niveau de production de biens et services.

«Au moins, ces objectifs de GES basés sur l'intensité des activités des entreprises sont plus réalistes que ce que nous avions entendus auparavant de la part d'Ottawa», a indiqué Jayson Myers, en référence aux intentions du gouvernement libéral précédent.

N'empêche, l'impact de ces mesures sur les coûts des entreprises s'annonce considérable. Et il risque fort de se faire sentir sur l'ensemble de l'économie canadienne.

Selon le ministre Baird, il s'agit d'un effort national désormais incontournable. Son ministère estime les coûts pour l'économie aux environs de «sept à huit milliards de dollars, durant les pires années».

En contrepartie, le ministre Baird a vanté des «économies» d'au moins six milliards par an pour le système public de santé, avec la réduction attendue des maladies respiratoires.

Mais pour l'économiste Jayson Myers, ces chiffres ont peu de crédibilité à ce moment-ci.

«Je ne comprends pas comment le ministère fédéral de l'Environnement peut élaborer de tels chiffres dès maintenant. Il y a encore beaucoup trop d'impondérables sur les coûts aux entreprises et surtout la façon dont elles s'ajusteront, en investissant pour réduire leurs émissions ou en réduisant carrément leurs activités et leurs projets.»

Ces conséquences économiques pourraient être moindres au Québec qu'ailleurs au Canada, selon Michael Cloghesy, président du Conseil patronal pour l'environnement du Québec.

«À mon avis, c'est dans l'Ouest que la facture de tout ce programme s'annonce la plus salée, avec toute leur industrie pétrolière. Au Québec, nos industries en général sont moins polluantes en GES, de même que notre production d'électricité.»

Mais s'il apprécie «dans les circonstances» les mécanismes proposés pour réduire les émissions de GES, M. Cloghesy s'est dit inquiet des normes encore à venir en ce qui concerne les autres polluants atmosphériques, par secteurs industriels.

«On nous les annonce pour mardi prochain. Mais on sait déjà qu'elles seront de l'ordre d'une réduction de 50% d'ici 2020, et en nombre absolu au lieu de la proportion d'intensité, comme dans le cas des GES, a-t-il indiqué.

«Ça risque de nuire encore plus à la compétitivité de nos entreprises exportatrices face à des pays comme la Chine, les États-Unis et l'Inde, qui n'adhèrent pas à de telles normes de GES et d'autres polluants atmosphériques.»

Michael Cloghesy était à Toronto jeudi pour l'un des trois briefings techniques à huis clos tenus par le ministère de l'Environnement.

Pourquoi trois?

Parce que pour bien contrôler l'annonce, le cabinet du ministre Baird avait séparé les médias, les représentants d'affaires et les groupes dits «civils» (syndicats, écolos, etc.) en trois endroits distincts.

Ces lieux étaient séparés d'un bon kilomètre l'un de l'autre, autour du centre-ville de Toronto. De quoi multiplier les déplacements en taxi par les participants, avec les émissions polluantes qui vinrent avec !