Siemens est l'objet d'un ressentiment généralisé en Allemagne: sur fond de restructuration permanente, un projet de hausse des salaires des dirigeants a soulevé l'indignation et le groupe est accusé de s'être défaussé de ses téléphones portables pour précipiter leur fin.

Siemens est l'objet d'un ressentiment généralisé en Allemagne: sur fond de restructuration permanente, un projet de hausse des salaires des dirigeants a soulevé l'indignation et le groupe est accusé de s'être défaussé de ses téléphones portables pour précipiter leur fin.

"Sous la direction de Klaus Kleinfeld, Siemens est comme jamais dans la tourmente", commentait vendredi le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung. Le patron du groupe de Munich (sud), arrivé à son poste début 2005, "n'a pas eu la main heureuse jusqu'à maintenant", selon le journal.

Depuis une dizaine de jours le groupe et son patron sont sous le feu nourri de la critique. Syndicats, personnalités politiques et même un évêque n'en finissant pas de s'émouvoir de la décision du conseil de surveillance d'augmenter les salaires de certains des dirigeants de 30%. Et ce alors que Siemens licencie à tour de bras et que les plans de restructuration s'enchaînent.

"Obscène", "immodérée", "d'une insolence incomparable", les qualificatifs n'ont pas manqué pour un geste vu comme une provocation. Même à droite de l'échiquier politique, le chef de gouvernement bavarois Edmund Stoiber a fait savoir son mécontentement. Le siège de Siemens se trouve à Munich en Bavière.

Heinrich von Pierer, président du conseil de surveillance, s'est justifié maladroitement de la mesure. "Chez Siemens, nous jouons en Ligue des champions, pas dans la ligue régionale bavaroise. Et, comme le Bayern Munich, nous n'attirons le personnel de pointe que si nous les payons correctement", a-t-il déclaré la semaine dernière.

Une défense qui sonne comme une insulte pour les salariés. Dans la division de télécommunication Com, 1.000 personnes vont devoir quitter leur poste prochainement, après 1.500 déjà l'an dernier. Aux services informatiques, SBS, 5.400 suppressions d'emplois sont prévues, dont 2.400 en Allemagne. Le tout sur fond de spéculations sur une cession de l'une ou de l'autre, et de démembrement.

"Quand on raconte où on travaille, la question qui vient tout de suite c'est 'alors, quand est-ce-que tu vas te faire virer?", a réagi un salarié sur le blog de M. Kleinfeld, accessible sur l'intranet du groupe et utilisé ces derniers jours comme défouloir par une partie du personnel. "Beaucoup de dirigeants sont passés (par Siemens), est-ce-qu'un seul va maintenant réussir à tout détruire et en plus être récompensé?", s'énervait un autre.

Dans ce contexte tendu, la décision annoncée jeudi par le taiwanais BenQ d'arrêter les versements à sa filiale allemande BenQ Mobile, la forçant au dépôt de bilan, est venue porter un nouveau coup à l'image du groupe.

Derrière BenQ Mobile se cache en effet l'ancienne division de téléphonie mobile de Siemens, lequel a abandonné cette activité au taiwanais l'an dernier. Payant même le repreneur pour le convaincre de reprendre un actif déficitaire et déjà condamné, soulignaient les observateurs vendredi. Le comité d'entreprise de BenQ Mobile appelle d'ailleurs les 3.000 salariés allemands touchés à se retourner contre Siemens. Le même Siemens s'est simplement déclaré "surpris" par la décision de BenQ jeudi soir.

"D'un point de vue purement économique, M. Kleinfeld a peut-être agi correctement", commentait vendredi le Financial Times Deutschland, "mais sa réputation de redresseur d'entreprise sévère mais juste est au panier".

Et sa devise "work hard, win big, have fun" (travaille dur, gagne beaucoup, amuse-toi), transmise selon l'hebdomadaire Der Spiegel aux salariés dans un e-mail interne, est plus que jamais la risée de ceux-ci. Qui l'ont d'ailleurs adaptée pour eux en "live hard, never rest, die young" (vis durement, ne te repose jamais, meurs jeune).

SIEMENS

mtr/ilp/clp/