Les soupçons d'un système généralisé de corruption s'accumulent chez Siemens, où les affaires ont rattrapé cette semaine un membre actif de la direction et remettent en cause le bilan de l'ex-patron Heinrich von Pierer, jadis dirigeant le plus écouté d'Allemagne.

Les soupçons d'un système généralisé de corruption s'accumulent chez Siemens, où les affaires ont rattrapé cette semaine un membre actif de la direction et remettent en cause le bilan de l'ex-patron Heinrich von Pierer, jadis dirigeant le plus écouté d'Allemagne.

Avec l'arrestation --et la suspension immédiate-- cette semaine d'un membre en activité du directoire central, les scandales ont atteint la plus haute instance du groupe de Munich.

Johannes Feldmayer aurait signé des contrats fictifs avec une agence de conseil, l'argent permettant en réalité à Siemens de s'acheter les bonnes grâces d'un petit syndicat modéré afin de limiter l'influence dans la maison du plus puissant et revendicatif IG Metall. Ce dernier veut déposer plainte.

Johannes Feldmayer avait été soutenu par Heinrich von Pierer et considéré comme un candidat sérieux à sa succession.

Hasard ou pas, c'était aussi le cas de l'ex-directeur financier, Heinz Joachim Neubürger, et d'un autre ancien membre du directoire, le responsable des télécoms Thomas Ganswindt. Tous les deux ont quitté Siemens l'an passé, tous les deux ont été mis en examen dans le cadre d'une autre affaire, mêlant caisses noires et pots-de-vin lors de l'attribution de contrats à l'étranger dans les télécoms.

Une troisième affaire de corruption, dans l'énergie en Italie, est actuellement jugée par la justice allemande, qui veut entendre comme témoin un autre membre du directoire en exercice. Depuis janvier, Siemens s'est aussi vu reprocher par Bruxelles des ententes illicites avec des concurrents dans les appareillages électriques et les transformateurs industriels.

Siemens parle de cas isolés, affirme vouloir lutter de manière exemplaire contre la corruption. Mais il convainc de moins en moins.

«Depuis cette semaine, il est clair à quel point les intentions et la réalité sont éloignées», a relevé le quotidien économique Handelsblatt.

«Avec chaque nouveau scandale se pose de manière plus insistante la question de savoir s'il n'y a pas un système Siemens», a commenté le quotidien munichois Süddeutsche Zeitung.

Die Welt voit lui un «permis de corrompre» dans le système allemand de cogestion, où les conseils de surveillance des entreprises sont composés pour moitié de représentants du personnel. La cogestion avait déjà été incriminée lors de l'affaire Volkswagen: le directeur du personnel du constructeur automobile, Peter Hartz, avait acheté la paix sociale dans l'entreprise avec des voyages à l'étranger et des call-girls.

Mais pour IG Metall, ce qui se passe chez Siemens est pire que chez Volkswagen. Comme certains actionnaires, le syndicat réclame des explications de Heinrich von Pierer, car l'essentiel des faits incriminés remontent à ses douze années de règne.

Il avait laissé son siège de patron de Siemens à Klaus Kleinfeld début 2005, mais occupe depuis la tête du conseil de surveillance.

Qualifié à l'époque de patron le plus influent d'Allemagne, salué pour ses talents de lobbyiste et ses bonnes relations tant avec les sociaux-démocrates qu'avec les conservateurs, Heinrich von Pierer semblait faire l'unanimité. Il avait même été pressenti en 2004 pour la présidence de la République allemande.

Il fait aussi partie des conseillers d'Angela Merkel. Plusieurs responsables politiques commencent à réclamer son départ, mais la chancelière lui a renouvelé sa confiance.

Heinrich von Pierer a assuré cette semaine n'avoir été au courant de rien. Mais beaucoup réclament un inventaire et jugent sa position actuelle chez Siemens incompatible avec un éclaircissement sérieux des affaires.

Heinrich von Pierer «a pendant des années été à la tête de ce système», a ainsi critiqué Klaus Schneider de l'association de petits actionnaires SdK.