Décembre 2004. Une demi-douzaine d'amis se réunissent pour un party de retrouvailles à San Francisco. L'histoire ne dit pas si les bouteilles de vin ont manqué durant cette soirée. Mais pour Chad Hurley et Steve Chen, deux informaticiens dans la vingtaine, le lendemain de veille n'a pas été trop pénible. Il les a rendus milliardaires.

Décembre 2004. Une demi-douzaine d'amis se réunissent pour un party de retrouvailles à San Francisco. L'histoire ne dit pas si les bouteilles de vin ont manqué durant cette soirée. Mais pour Chad Hurley et Steve Chen, deux informaticiens dans la vingtaine, le lendemain de veille n'a pas été trop pénible. Il les a rendus milliardaires.

Durant cette soirée, certains convives se plaignent de la difficulté à diffuser des vidéos dans Internet. Hurley et Chen, deux employés de PayPal - le service de paiement électrique d'eBay - vivent la même frustration quelques jours plus tard : ils sont incapables d'envoyer par courriel des extraits vidéo de la soirée à leurs amis. Le 15 février 2005, ils trouvent enfin la solution à leur problème. YouTube est créé.

Moins de deux ans plus tard, le service gratuit de diffusion et de téléchargement de vidéos vient d'être avalé par Google. Les deux fondateurs de YouTube ont reçu 1,65 milliard $US en actions pour leur site Internet, qui permet le téléchargement de plus de 100 millions de vidéos par jour.

L'ascension de YouTube s'est produite à la vitesse de l'éclair. Même selon les standards du secteur des nouvelles technologies. "YouTube est devenu si populaire qu'on en vient à remettre en cause le futur de la télévision", dit Jonathan Sterne, professeur en communications à l'Université McGill. Selon le spécialiste des nouveaux médias, la société de 67 employés située à San Mateo, en Californie, n'a pas comblé un vide : elle a créé un nouveau marché, le téléchargement de vidéos.

YouTube avait une idée intéressante entre les mains, soit. Mais la société a profité d'un alignement favorable des astres. "Avant la commercialisation des lignes haute vitesse, la puissance du réseau ne permettait pas le téléchargement massif de vidéos, dit Jonathan Sterne. Le mérite de YouTube, c'est d'avoir pensé à répondre à un problème précis et non à faire des profits."

Le dernier secret du succès de la jeune entreprise : avoir su se tenir loin des litiges de droits d'auteur. En février dernier, YouTube a subi les foudres de NBC, mécontent de la diffusion dans Internet des sketchs humoristiques de son émission Saturday Night Life. En juillet, les deux parties ont conclu un accord de promotion de la programmation automnale du réseau.

Lundi dernier, le jour même de la transaction avec Google, YouTube annonçait des ententes avec CBS, Sony BMG Music Entertainment et Universal Music Group. "Les compagnies ont vite réalisé que c'était plus bénéfique d'avoir leurs vidéos sur YouTube que de se battre pour les faire disparaître du site", dit Jonathan Sterne.

Selon la BBC, YouTube est responsable de 29 % des téléchargements aux États-Unis. Le phénomène a pris une telle ampleur que même les gouvernements ne peuvent l'ignorer. En septembre, le White House Office of National Drug Control Policy, responsable de la lutte contre la drogue, a choisi YouTube pour lancer sa campagne de publicité destinée aux adolescents.

Un pari rentable ?

Plusieurs observateurs se demandent si Google a fait une bonne affaire en offrant 1,65 mil-liard $US pour une société qui serait dans le rouge (YouTube n'a jamais dévoilé ses résultats financiers). Une société qui, selon Fortune, poursuivait ses activités en grugeant l'investissement de 11,5 millions $US de Sequoia Capital. La firme de capital de risque est toutefois reconnue pour son flair. Au fil des ans, elle a donné un coup de pouce à Yahoo, Electronic Arts, PayPal et au nouveau propriétaire de YouTube, Google.

"Google croit intégrer facilement son modèle publicitaire dans un site comme YouTube, ce qui permettrait d'assurer la rentabilité de sa dernière acquisition, dit Jonathan Sterne. La question est de savoir jusqu'à quel point les utilisateurs de YouTube vont tolérer ces publicités. Pour le moment, Google a toujours été capable de présenter de la publicité sans perdre trop d'internautes."

Les actionnaires de Google peuvent dormir sur leurs deux oreilles. "Au pire, Google aura gaspillé de l'argent, dit François Rochon, président de Giverny Capital, une firme montréalaise de gestion de portefeuille. Mais comme Google a beaucoup d'argent, ça ne serait pas très grave. La compagnie essaie de se positionner, mais l'avenir est difficile à prévoir dans ce secteur."

Hier, l'action de Google a perdu 0,55 % (2,35 $US) pour s'établir à 426,65 $US, après avoir gagné 2,02 % lundi à la suite de l'annonce de la transaction évaluée à 1,65 milliard $US.

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