Oui, le Canada est un pays industrialisé. Oui, 80% des échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Pourtant, la Bourse canadienne a plutôt un air de famille avec les Bourses des pays émergents, observe Clément Gignac, économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale.

Oui, le Canada est un pays industrialisé. Oui, 80% des échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Pourtant, la Bourse canadienne a plutôt un air de famille avec les Bourses des pays émergents, observe Clément Gignac, économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale.

La raison est bien simple : la Bourse canadienne est dominée par les ressources naturelles. Plus précisément, les ressources représentent 45% de l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto. En ajoutant les services financiers, on arrive à 75% de la valeur boursière du Canada, par rapport à seulement 33 % pour ces deux secteurs aux États-Unis.

Bref, la Bourse canadienne est peu diversifiée, donc plus risquée.

En plus, qui dit ressources naturelles, dit volatilité. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à regarder la déconfiture d'Amaranth Advisors.

Le fonds de couve rture (hedge fund) a défrayé la chronique, cette semaine, après avoir dévoilé des pertes de 4,5 milliards de dollars US, soit la moitié de ces actifs. Ses gestionnaires, qui utilisaient des stratégies spéculatives, avaient parié gros sur le gaz naturel, dont le prix est en baisse de 40% depuis le début de l'année.

Cet événement a renforcé M. Gignac dans son opinion que la poussée du pri x des matières premières, ces dernières années, n'était pas seulement attribuable à la forte demande de la Chine et de l'Inde. Non! Les fonds de couverture qui sont assis sur 1000 milliards de dollars US, ont a ussi été responsables d'une bonne partie de l'escalade des prix.

Grâce à des stratégies sophistiquées, les fonds de couverture (hedge fund) peuvent miser sur la hausse ou sur la baisse d'un actif. Ces dernières années, leurs paris ont beaucoup accentué les soubresauts des marchés financiers. Leurs spéculations peuvent ampli fier tant les envolées à la hausse que les culbutes.

Pour M. Gignac, la récente culbute du prix du pétrole est un autre signe de l'effet spéculatif des fonds de couverture dans les matières premières. Le pétrole vient de se dégonfler de 17$US le baril, ou 22%. À 61$US, il se situe à son plus bas niveau depuis six mois. Il ne s'est pourtant rien produit de majeur, signale M. Gignac. Seulement l'absence de mauvaises nouvelles: pas d'ouragans dévastateurs, pas l'élan belliqueux de la part du président américain George Bush face à l'Iran...

Et le pétrole tombe de 22%! Cela en dit long sur la spéculation qui le tenait si haut, affirme M. Gignac. Et peut-être en reste-t-il encore? "Je pense que les prix du pétrole devraient se situer plus proches de 50$US que de 75$US", dit-il.

Les fonds de couverture sont très présents dans le marché des matières premières. Ce sont des investisseurs orientés sur le très court terme, sur les profits rapides. Beaucoup misaient sur la hausse des prix. Si le doute s'installe dans leur esprit, si les gestionnaires ont l'impression qu'ils ont plus à gagner en misant à la baisse, l'automne sera haut en couleur... surtout une couleur : le rouge!

"Cela renforce ma conviction que le Canada est devenu un marché boursier assez spéculatif ", dit M. Gignac.

Bien des investisseurs s'accrochent aux titres de ressources en rêvant que leurs titres soient emportés, au fort prix, par la vague d'acquisitions qui submerge la Bourse canadienne. "Cela me rappelle la fin de la vague de fusions et acquisitions dans la technologie. Les investisseurs attendaient que les étrangers viennent les acheter", rappelle M. Gignac.

Prudence, conseille-t-il. Gare aux fonds indiciels cotés en Bourse qui sont le reflet de la Bourse canadienne peu diversifiée. Gare aux fiducies de revenus pétrolières. À 50$US le baril, on verra combien de temps les fiducies pétrolières seront en mesure de maintenir leur distribution. "Les investisseurs canadiens vont se rendre compte que les fiducies ne sont pas des titres à revenus fixes ", affirme M. Gignac.

CLÉMENT GIGNAC

Économiste en chef et stratège à la Financière Banque Nationale

Les fonds de couverture ajoutent beaucoup de volatilité dans le prix des matières premières. Cela renforce ma conviction que le Canada est devenu un marché boursier assez spéculatif.

© 2006 La Presse. Tous droits réservés.