Vendredi, 17h. Brigitte (nom fictif) sort d'une réunion avec la ferme intention de rentrer directement chez elle.

Vendredi, 17h. Brigitte (nom fictif) sort d'une réunion avec la ferme intention de rentrer directement chez elle.

Mais elle a le malheur de vérifier sa boîte de courriels avant d'éteindre l'ordinateur: 46 messages non-lus. Le temps de traiter sa correspondance virtuelle, elle quitte finalement le bureau à 19 h 20.

«Je suis une esclave du courriel», affirme sans ambages cette cadre supérieure qui travaille dans une université. Elle peut en recevoir plus d'une centaine par jour.

Pour éviter d'être noyée par le flot constant de courriels, Brigitte consulte sa messagerie les soirs de semaine et les week-ends. Bref, elle a l'impression que son travail se résume à sa boîte de courriels, au détriment des dossiers qui s'empilent sur son bureau.

Elle n'est pas la seule. Pour plusieurs, le courriel est le cancer du monde du travail moderne.

Plus d'un travailleur sur trois souffre de stress en raison du nombre croissant de courriels reçus au travail et de l'obligation qu'ils ressentent d'y répondre rapidement, révèle une étude britannique.

Selon le cabinet d'études IDC, 97 milliards de courriels seront échangés dans le monde en 2007. Dans trois ans, ce chiffre frôlera les 120 milliards.

Au lieu d'accélérer la productivité, le message électronique est devenu une source de distraction continuelle.

Excédés, des professionnels américains ont même décidé de déclarer une faillite de courriels. Cette initiative drastique consiste à repartir de zéro en éliminant ses centaines de courriels non-lus et en envoyant des mot d'excuses à tous ses contacts.

Pour une meilleure gestion des courriels

Selon André-A. Lafrance, l'affluence importante de courriels est un faux problème.

«Si on se laisse déborder, c'est la faute de l'organisation, sinon notre propre faute», croit le professeur en communication organisationnelle à l'Université de Montréal, qui se dit fan de la messagerie électronique.

Il estime que les entreprises doivent développer une culture efficace du courriel et la transmettre à leurs employés.

«Plusieurs personnes n'utilisent pas le courriel à bon escient », confirme Sylvie Plourde, conseillère en management et en ressources humaines chez Groupe Conseil CFC. Elle donne en exemple l'abus des copies conformes.

«Plusieurs le font par souci de bien communiquer, mais, en même temps, ils tombent dans la facilité en envoyant des messages inutiles à des gens qui ne sont peut-être même pas concernés.»

Autre irritant: nombreux sont ceux qui ne savent pas rédiger un courriel efficace. «Le message électronique est rapide, ce qui nous incite à répondre rapidement sans structurer notre pensée, explique Mme Plourde. Et pourtant, on devrait le faire plus que d'habitude.»

Mal écrit, un message électronique peut se transformer en match de ping-pong où les interlocuteurs s'expliquent sans fin. Un bon courriel devrait ainsi tenir sur une page d'écran et contenir des questions précises et fermées.

Pour André-A. Lafrance, c'est presque un télégramme. «Vous ne faites pas de la littérature quand vous envoyez un courriel! Vous entrez tout de suite dans le vif du sujet: qui êtes-vous, que voulez-vous et dans quel délai souhaitez-vous obtenir une réponse.»

Quant au traitement des courriels, le professeur se fait sévère. «Il ne faut pas charrier sur le temps que ça prend pour décider de ce qu'on doit faire avec un message: on répond, on classe ou on jette.» C'est pourquoi il conseille aux travailleurs de se créer un système de classement de courriels.

D'autres bonnes habitudes sont à développer pour réduire l'avalanche de messages, note Sylvie Plourde: retirer son adresse des listes d'envoi, refuser les courriels de blagues ou les transferts de PowerPoint, se prévoir des moments dans la journée pour traiter sa correspondance virtuelle, maximiser les outils des logiciels de messagerie, comme la signature et les réponses automatiques.

«Dans le fond, ce sont tous de bons vieux trucs de gestion du temps», ajoute-t-elle.

Trois conseils

1. Cessez de vous inscrire sur des listes d'envoi. Ces courriels servent plus souvent vos heures de divertissement que votre carrière.

Allégez votre boîte de réception en vous abonnant plutôt aux flux RSS de vos blogues et sites d'information préférés.

2. Ne donnez pas votre adresse courriel à n'importe qui. Si votre adresse n'est pas connue publiquement, vous recevriez moins de pourriels.

Par contre, si votre profession exige que vos coordonnées soient publiques, il est possible de créer un lien qui permet aux gens de vous contacter sans révéler pour autant le détail de votre adresse.

3. Utilisez le courriel à des fins professionnelles seulement. Le courriel est fait pour le travail et non pour le plaisir, à moins que ce soit l'unique moyen de communiquer avec vos amis et vos proches.

Et si jamais on vous transfère l'un de ces courriels drôles, inspirants ou motivants, dites gentiment à l'envoyeur que vous ne souhaitez plus recevoir ce genre de message.