La principale ligne de défense de Vincent Lacroix s'est probablement écroulée au palais de justice de Montréal, un ancien fournisseur de services de Norbourg étant venu certifier qu'aucun trou de 20 M$ n'existait dans les fonds Évolution.

La principale ligne de défense de Vincent Lacroix s'est probablement écroulée au palais de justice de Montréal, un ancien fournisseur de services de Norbourg étant venu certifier qu'aucun trou de 20 M$ n'existait dans les fonds Évolution.

Depuis le début du procès, le PDG déchu s'acharne à affirmer pendant son procès pénal que 20 M$ manquaient dans cinq fonds Évolution. Ces fonds avaient été acquis par Norbourg en 2004 auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

En contre-interrogeant les témoins de l'Autorité des marchés financiers, M. Lacroix cherchait une explication détaillée et voulait leur faire alléguer que le fournisseur de soutien administratif CITAC travaillait avec des méthodes douteuses.

C'est Normand Leclerc, fondateur et président de CITAC quand Norbourg a acquis Évolution, qui a sorti le rouleau compresseur afin d'écraser cette thèse jeudi matin.

Ce comptable agréé a détaillé en réponse aux questions du procureur de l'AMF, Eric Downs, que les cinq fonds Perfolio qui intéressent tant M. Lacroix sont des fonds dont la stratégie consiste à acheter des parts d'autres fonds communs afin de tirer profit de leur rendement.

À l'origine du «trou» allégué par Vincent Lacroix se trouve le changement de gardien de valeur des fonds Évolution de Trust Banque Nationale vers Northern Trust.

Normand Leclerc expliquait en matinée qu'un changement de gardien de valeurs se fait normalement sans anicroche, mais que les choses sont plus complexes pour des «fonds de fonds».

Pour compliquer la donne, Northern Trust n'utilisait pas le réseau pancanadien de distribution de fonds communs FundServ. Cela a engendré la «disparition» pour quelques mois des valeurs détenues par les cinq fonds, le temps d'harmoniser toutes les données. Donc, du printemps à la fin de l'été 2004, 20 M$ appartenaient aux investisseurs sans être présents dans les relevés.

Cette théorie confirme et précise des affirmations semblables faites au printemps par le juricomptable François Filion, qui a enquêté pour l'AMF dans le cadre du scandale Norbourg.

M. Lacroix, lui, a réagi en après-midi. «Je ne suis pas surpris qu'il ait dit cela, je ne m'attendais pas à ce qu'il contredise François Filion.»

Un drôle de «grand ménage»

Depuis la fin d'après-midi de mercredi, la présentation du témoin Normand Leclerc a aussi démontré qu'à l'achat des fonds Évolution, Norbourg a démantelé une gestion éprouvée de fonds communs pour la replacer par la sienne.

Quand les fonds Évolution se trouvaient sous l'aile de la Caisse de dépôt, ils faisaient affaire avec Trust Banque Nationale pour la garde des valeurs et avec CITAC pour le soutien administratif.

Les gestionnaires des fonds se trouvaient à l'externe et comprenaient des firmes reconnues telles que Jarislowsky Fraser et Natcan. Le réseau de distribution des fonds utilisé était FundServ, la norme dans l'industrie canadienne.

En gros, selon M. Leclerc, le fonctionnement d'Évolution était calqué sur celui des grandes compagnies ontariennes de fonds communs, laissant à CITAC des liens directs avec les dirigeants d'Évolution, avec les vérificateurs de KPMG et avec Trust Banque Nationale.

La donne a changé le 19 décembre 2003, quand Norbourg s'est entendue avec la Caisse pour l'achat de Capital Teraxis, la maison-mère d'Évolution.

Dès mars 2004, lors de la première rencontre avec M. Leclerc, Vincent Lacroix sortait le balai. Il annonçait à CITAC son intention de rapatrier tout le soutien administratif des fonds communs à l'interne chez Norbourg, et ce en moins de 3 mois. Il préparait aussi le changement de gardien de valeurs vers Northern Trust pour le 1er avril.

Pour la période où CITAC allait lui fournir des services, M. Lacroix interdisait tout contact avec Northern Trust, réservant ce rôle d'intermédiaire à lui-même et à son cousin David Simoneau.

Rappelons que l'AMF a voulu prouver au printemps que David Simoneau se trouvait au coeur d'un stratagème de retraits irréguliers et de falsification des rapports de Northern Trust.

Par ailleurs, Norbourg allait remplacer presque tous les gestionnaires de portefeuilles comme Jarislowsky Fraser et Natcan par ses propres gestionnaires à l'interne.

En témoignant, Normand Leclerc cachait mal qu'il ne comprenait pas ce qu'il qualifiait de «changement radical» au sein du modèle d'affaires. Il a aussi trouvé insensée la rapidité de certains changements.

Et jusqu'à ce que la société CITAC soit écartée de l'administration des fonds Évolution, elle a dû s'armer de patience pour recevoir les informations nécessaires afin de faire son travail.

Par exemple, si les anciens gestionnaires de portefeuilles rapportaient leurs transactions de façon électronique au fur et à mesure pendant la journée, Norbourg attendait avant la fin de la journée avant de faire des transmissions.