Les producteurs de porc canadiens ne feront pas faillite demain matin à cause de la décision de la Chine de freiner ses importations. L'inquiétude -et un agacement certain- règnent toutefois dans les porcheries.

Les producteurs de porc canadiens ne feront pas faillite demain matin à cause de la décision de la Chine de freiner ses importations. L'inquiétude -et un agacement certain- règnent toutefois dans les porcheries.

«Pour nous, c'est une décision difficile, surtout qu'on a besoin des exportations et qu'on sait que la Chine a besoin d'importer de la viande actuellement», a lancé Jean-Guy Vincent, président de la Fédération des producteurs de porc du Québec, joint par La Presse Affaires pendant un voyage d'affaires en Chine.

Il y a quelques jours, les autorités chinoises ont décidé de bannir le porc nord-américain contenant des traces de ractopamine, un additif alimentaire destiné à accélérer la croissance des bêtes.

Le produit est interdit en Chine depuis 2002, mais il est autorisé par de nombreux pays, dont le Canada, les États-Unis, le Japon et l'Australie.

Pour la plupart des représentants de l'industrie, cette décision de sévir maintenant contre les producteurs de porc nord-américain -plutôt qu'en 2002- est clairement politique.

«Les yeux sont sur eux, avec la sécurité des jouets pour les enfants, avec la peinture qui contient trop de plomb, ils font très attention parce qu'ils savent que le monde les regarde», a fait valoir Jim Laws, directeur général du Conseil des viandes du Canada.

«C'est clairement un problème de relations commerciales, et non une question de sécurité alimentaire», a pour sa part lancé Michael Young, directeur à Calgary de l'organisme Canada Porc International.

Maurice Doyon, professeur au département d'économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l'Université Laval, abonde dans le même sens.

«On peut penser que c'est peut-être un espèce d'avertissement, pour nous dire: attention, nous aussi on peut jouer ce jeu-là, a dit le professeur. Mais est-ce que c'est crédible? Si demain matin, les Chinois cessent d'importer les produits canadiens, je ne crois pas que ça va nous faire trop de peine, mais si demain matin, le Canada cesse d'importer des produits chinois, ça pourrait être un peu plus blessant pour eux...»

Un petit marché

Les producteurs de porc sont certes agacés par la décision récentes des autorités chinoises, mais ils rappellent que la Chine demeure un bien petit marché d'exportation.

En 2005, les Américains et les Japonais ont acheté 56% du porc exporté par le Québec, comparativement à 7% pour la Chine.

«La Chine a toujours été un marché de sous-produits pour nous, même si ça commence à changer», a expliqué Vincent Breton, président des Viandes du Breton.

Le Canada pourrait se tourner vers plusieurs marchés potentiels pour écouler ses «sous-produits» -comme les abats, les pieds ou la viande de tête-, ont expliqué les producteurs. Ils citent les ex-républiques soviétiques, certains pays d'Asie et l'Amérique du Sud.

Les producteurs espèrent toutefois que les autorités canadiennes arrivent rapidement à une entente avec le gouvernement chinois pour régler le contentieux.

Le ministre du Commerce international, David Emerson, n'agit pas encore activement dans le dossier, mais les fonctionnaires de l'ambassade canadienne à Pékin ont entrepris des «discussions», selon un porte-parole du ministre.

À l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le vétérinaire Richard Arsenault, gestionnaire des programmes de viande, rappelle que la ractopamine a été jugée sans risque par Santé Canada il y a environ un an.

«Les Chinois ont détecté deux parties par milliard (dans la viande canadienne), ce qui n'est vraiment pas beaucoup, a expliqué le scientifique. Santé Canada, lorsqu'ils l'ont approuvé, ont émis une norme de 40 parties par milliard.»