Le Québec est une terre fertile en festivals. On en dénombre 240 au minimum, dont 25 événements majeurs et au moins 215 événements aux couleurs régionales.

Le Québec est une terre fertile en festivals. On en dénombre 240 au minimum, dont 25 événements majeurs et au moins 215 événements aux couleurs régionales.

Un business qui génère globalement des retombées économiques (et touristiques) évaluées annuellement à quelque 700 M$.

Selon Luc Fournier, vice-président exécutif du RÉMI (Regroupement des événements majeurs internationaux), le Québec compte à lui seul pour au moins le tiers de l'industrie canadienne des festivals, grands événements compris.

Au Québec, le business du festival procure l'équivalent de 18 000 emplois à plein temps, tout en étant une source majeure de revenus pour des centaines d'artistes.

Et fait hautement important, l'industrie québécoise du festival rapporterait aux gouvernements des recettes fiscales (taxes, impôts et droits) de l'ordre de 230 millions, dont 130 M$ pour Québec et autour de 90 M$ pour Ottawa.

En retour de cette manne fiscale, le gouvernement du Québec injecte dans l'industrie du festival, par l'entremise de divers programmes de financement, environ 20 millions en subventions annuelles.

De son côté, le gouvernement fédéral en saupoudre autour de 8 M$.

À la suite du budget de James Flaherty, le gouvernement conservateur avait annoncé le printemps dernier qu'il injecterait, par l'intermédiaire du ministère du Patrimoine de Bev Oda, une somme additionnelle de 30 M$ dans l'industrie canadienne des festivals.

Les organisateurs des festivals québécois s'attendaient à recevoir du fédéral une somme additionnelle de 10 M$.

Comme l'équipe de la ministre Oda n'a pas encore eu le temps de définir les paramètres du programme de 30 millions, il appert que les gros festivals de la période estivale devront passer leur tour. Ce qui a évidemment mis en furie plusieurs organisateurs de grands événements.

«Tout ce qu'on demande aux gouvernements c'est de recevoir une ristourne raisonnable sur les énormes recettes fiscales qu'on leur rapporte. Qu'on arrête de nous faire passer chaque année pour des quêteux.»

C'est en ces termes-chocs qu'Alain Simard, le chef d'orchestre du Festival de jazz, des Francofolies et de Montréal en lumière, a résumé à La Presse ses états d'âme et celui de ses collègues organisateurs de grands événements à l'aube de la faste période des festivals d'été.

Par ailleurs, les Alain Simard, Gilbert Rozon et cie en ont soupé d'entendre des choses - qu'ils qualifient, de légendes urbaines - du genre: les organisateurs des gros festivals se servent des subventions gouvernementales pour se remplir les poches; les activités qui se déroulent dans la rue leur servent de paravent pour attirer des spectateurs aux lucratifs spectacles payants organisés en parallèle; les organisateurs se font grassement payer pour les services que leurs compagnies privées de production rendent au festival; il n'y a pas d'étanchéité entre leurs intérêts privés et l'organisation des festivals subventionnés

Tout cela n'est que de la grande foutaise, affirme Gilbert Rozon. «C'est plutôt le contraire qui se produit. Tout d'abord, il est totalement impossible de bénéficier personnellement des subventions versées pour les activités gratuites. Le système de surveillance des subventions accordées aux grands festivals publics comme le nôtre est d'une sévérité exemplaire.»

«Quand on offre des services au Festival juste pour rire, par exemple, on est à ce point prudents qu'on le fait à un prix nettement inférieur au marché. Justement pour ne pas faire l'objet du moindre reproche. Et les subventions qu'on reçoit pour les activités gratuites de la rue ne couvrent qu'une partie des coûts C'est pourquoi on se retrouve présentement dans le rouge de 600 000$ avec le Festival juste pour rire.»

Alain Simard et Gilbert Rozon partagent le même point de vue: ce sont les gouvernements qui font de l'argent comme de l'eau avec les gros événements. Conséquemment, il est normal qu'ils y investissent une partie moindrement importante des recettes fiscales encaissées.

«On ne demande pas de l'argent pour les activités payantes qui se déroulent dans le cadre de tel ou tel événement. On veut seulement que les gouvernements fassent leur part pour l'organisation des activités offertes gratuitement dans la rue», renchérit Alain Simard.

Après 25 ans de «têtage» de subventions, Gilbert Rozon estime qu'il est temps pour les deux ordres de gouvernement de mettre chacun en place une sorte de "fonds de soutien permanent" aux grands événements.

Que le système soit basé sur notre performance, les rentrées fiscales, pas de problème. Mais il faut, dit-il, recevoir un meilleur appui financier de la part notamment du gouvernement fédéral.

Étonnamment, Gilbert Rozon n'a pas perdu espoir. À la suite d'une rencontre de groupe avec la ministre Bev Oda à propos des revendications des organisateurs de festivals, il a qualifié la ministre de «femme très intelligente», bien au fait du dossier et de leurs préoccupations.

Par ailleurs, les organisateurs des festivals et événements de petite et moyenne taille se plaignent eux aussi de sous financement public.

Selon une étude réalisée pour le compte de leur organisme de regroupement, soit Festivals et Événements Québec, les subventions des organismes publics représenteraient en moyenne environ 21% des budgets des festivals locaux et régionaux.

Le pourcentage d'aide publique peut paraître élevée. Mais en termes réels, on parle de petits budgets individuels, donc de petites subventions. Et comparativement à d'autres pays, l'aide publique aux festivals est modeste. Aux États-Unis, l'aide publique peut atteindre les 30 à 40% et en Europe les 50 à 60%.

Les organisateurs de festivals ont si peu confiance dans la pérennité de l'aide gouvernementale qu'ils se cherchent constamment des moyens de pallier les éventuelles baisses de soutien public.