La Bourse de Toronto, à laquelle on prédit une correction depuis plusieurs trimestres, a atteint mercredi un nouveau sommet. Le Dow Jones, au-dessus duquel plane la menace d'un ralentissement économique, vient lui aussi de battre un record. Sont-ce les indices ou les prévisions qui sont en sursis ?

La Bourse de Toronto, à laquelle on prédit une correction depuis plusieurs trimestres, a atteint mercredi un nouveau sommet. Le Dow Jones, au-dessus duquel plane la menace d'un ralentissement économique, vient lui aussi de battre un record. Sont-ce les indices ou les prévisions qui sont en sursis ?

La question divise les gestionnaires de portefeuille en deux écoles : ceux qui croient qu'une correction peut survenir rapidement, et ceux qui tablent sur la pérennité de la croissance asiatique.

«Ça va trop vite des deux côtés de la frontière», juge Denis Durand, gestionnaire chez Jarislowski Fraser. Il souligne qu'avec une croissance de 4 % par trimestre, les marchés nord-américains progressent presque deux fois plus vite que l'économie.

Selon lui, le creux atteint par le dollar américain mercredi pourrait aussi inciter la FED à prévenir l'inflation en haussant les taux d'intérêt.

«Il y aurait alors une correction, et ça pourrait se passer très rapidement», dit-il, en recommandant à ses clients de privilégier les secteurs boursiers stables. Les ressources et les petites capitalisations sont selon lui à éviter.

Le gestionnaire Marc L'écuyer, de la firme Cote 100, distingue les situations canadienne et américaine. Gonflé par une forte demande chinoise pour les ressources naturelles canadiennes, le TSX lui apparaît vulnérable.

«Un ralentissement américain freinerait la consommation de ressources aux États-Unis comme en Asie», avertit-il.

Par contre, le marché américain lui semble moins risqué à cause d'une évaluation plus basse. Soumises à une concurrence beaucoup plus forte qu'au Canada, les banques américaines offrent par exemple des titres moins chers.

«Le secteur de la santé, développé aux États-Unis mais à peu près inexistant au Canada, est sécuritaire», expose aussi M. L'écuyer.

Sa recommandation aux investisseurs : rester sur le marché boursier, mais augmenter leurs positions aux États-Unis et privilégier les titres défensifs. Les secteurs de la consommation de base (par exemple Metro ou Saputo) et ceux des sociétés financières ont la faveur de Cote 100.

Son de cloche discordant chez MacDougall, MacDougall & MacTier, où l'analyste Christopher Sears voit encore de beaux jours à l'horizon du TSX. Sa firme est d'ailleurs en mode d'achats de titres canadiens.

«Tant au Canada qu'aux États-Unis, les marchés ne sont pas chers du tout, soutient-il. La demande pour les ressources va rester très forte du côté de la Chine.»

Le vice-président de Gestion de Placements Eterna, Jean Duguay, se refuse lui aussi à considérer le niveau du TSX comme nécessairement trop élevé.

«On ne voit pas de signes clairs d'un ralentissement du côté chinois, dit-il. Les choses pourraient continuer à bien aller.»

Il croit qu'une baisse de régime de l'économie américaine mettrait beaucoup de temps à affecter l'Empire du milieu, qu'il compare à un paquebot. «Même quand le moteur s'arrête, le bateau continue à avancer pendant un bout de temps», fait-il valoir.

En ce sens, M. Duguay est allé jusqu'à réduire la proportion des placements américains d'Eterna pour augmenter la pondération canadienne des portefeuilles.

Mercredi, le TSX a atteint un sommet historique de 13 712 points. Mais il a largué 137 points jeudi, après que les autorités de Pékin eurent manifesté l'intention de prendre des mesures pour prévenir la surchauffe de l'économie nationale.

L'indice boursier canadien a gagné 12 % depuis un an, contrairement aux craintes des experts qui prévoyaient pour lui une performance décevante.