Isabelle Hudon est la première femme à occuper le poste de présidente et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Isabelle Hudon est la première femme à occuper le poste de présidente et chef de la direction de la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Pour unir l'intérêt des 7000 membres de l'association, elle leur a proposé de résumer leur cause en un seul mot: Montréal.

Q Pourquoi donner cette mission à la chambre de commerce du Montréal métropolitain ?

R Montréal n'est pas juste un centre économique ou une métropole culturelle : c'est un tout. Nous avons une ville unique et il faut travailler très fort pour valoriser son originalité dans la concurrence que se livrent les villes. La Chambre est un milieu associatif, elle défend l'intérêt de ses membres. Mais c'est précisément dans notre intérêt que Montréal se développe harmonieusement !

Q C'est une des raisons pour lesquelles vous insistez sur l'importance d'un bon climat social à Montréal?

R Il n'y a pas de développement économique durable sans une vie sociale bien organisée. L'équité, on doit la trouver partout. L'entreprise privée a évidemment comme mission de produire de la richesse; mais elle prend aussi de plus en plus conscience de sa responsabilité à l'égard de sa communauté. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu que notre propre organisation s'implique dans les campagnes de Centraide. En quatre ans, nous sommes partis de zéro à 100% de donateurs dans notre personnel. C'est significatif!

Q Vous êtes très attentive à ce que Montréal attire et conserve de jeunes talents.

R Il y a deux ingrédients nécessaires au développement d'une métropole : les investissements et les talents. Notre courbe démographique au Québec est inquiétante. Or la ressource première, c'est la ressource humaine : nous n'avons pas d'autre choix que d'attirer des talents sur notre territoire pour relever les défis économiques, sociaux et culturels. J'ai proposé que nous utilisions davantage nos campus universitaires pour en attirer à Montréal. L'attirer, le former, et ensuite le retenir. Sur ce dernier point, la communauté des affaires peut agir.

Q Pour faire avancer la valeur " Montréal ", vous intervenez dans des dossiers aussi différents que le transport en commun, la culture

R Ce n'est pas très conventionnel de parler de tout cela dans une chambre de commerce. C'est cependant de notremission de faire avancer la réflexion des gens d'affaires sur tout ce qui peut apporter une plus grande force à leur ville. Pour le transport en commun, on a montré, chiffres à l'appui, l'apport économique qu'un système de transport collectif peut avoir. On oublie souvent que nous disposons déjà d'une impressionnante infrastructure de transport collectif.

Dans le domaine de la culture, c'est le dynamisme même de Montréal, " l'âme " de cette ville, qui nous a invités à étudier sa culture comme facteur de compétitivité. Parce que Montréal est tellement vivante, vibrante! Bien des villes nous envient nos artistes! Notre étude économique sur le soutien du secteur privé au financement de la culture montre qu'on fait de mieux en mieux en ce domaine.

Q Vous parlez aussi beaucoup des universités

R Montréal est la deuxième ville universitaire en Amérique du Nord, derrière Boston. Nos quatre universités sont des moteurs de développement. Prenez leur effet d'entraînement sur le renouvellement du tissu urbain. On peut étudier dans les deux langues nationales, et même en espagnol, à Montréal. On s'aperçoit qu'un étudiant étranger sur trois décide de vivre ensuite à Montréal à cause de notre qualité de vie. Si on arrive à en garder un sur trois sans stratégie organisée, imaginez à quoi on arriverait si on approchait cette question de manière systématique.

Q Dans vos interventions, vous évoquez l 'importance de s'ouvrir sur le monde

R On peut voir la mondialisation comme une menace. On peut aussi se lancer à la rencontre du monde pour apprendre comment on fait des affaires ailleurs. Il faut voyager pour se rendre compte comme les Québécois sont appréciés à l'étranger. Les douaniers, les gens d'affaires, les commerçants ont tous un grand sourire quand ils voient d'où je viens!

Q Quelles sont les valeurs qui vous portent, personnellement ?

R Je les résume en trois " A " : audace, authenticité et ambition. L'authenticité est certainement la plus importante. C'est un beau mot, mais c'est tout un défi de l'être vraiment et de s'entourer de gens qui la recherchent. Cela m'oblige à respecter profondément ce que je crois, ce que je recherche. Parfois, ça nous oblige à être tranchant. On doit déplaire, et dans la fonction publique que j'occupe, cela prend un certain doigté. Mais je n'ai qu'un souhait: être capable de me regarder chaque matin dans le miroir. L'audace, je crois que c'est l'art d'ouvrir correctement les portes qui doivent l'être même si elles sont barrées. Et puis il y a l'ambition, car je suis une femme qui aime laisser sa marque.

Q Comment transmettez-vous ces valeurs à votre équipe ?

R La première manière d'y arriver est de bien communiquer ce que l'on veut. C'est vraiment l'échange réel, direct avec mes collègues qui peut stimuler leur adhésion à la cause que nous nous sommes donnée.

Ça demande beaucoup de respect. Respect des idées, des personnes, des différences aussi. J'ai la chance d'être entourée d'une équipe de jeunes 32 ans de moyenne d'âge , très féminine puisqu'il y a trois femmes pour un homme. C'est du talent brut et c'est certainement la plus grande richesse de l'organisation. Je dis souvent que mon équipe est une sorte de laboratoire des équipes d'avenir en entreprise. Ce qui revient, quand ils partagent pourquoi ils travaillent à la Chambre de commerce, c'est le côté humain, la confiance, la reconnaissance qu'ils y trouvent.

Je suis aussi en train de passer personnellement le cap des 40 ans. Ma génération, celle qui a suivi les baby-boomers, s'est beaucoup affranchie par le travail, la performance, les résultats. Mon équipe est plus jeune que moi, et je réalise que cette génération accorde une grande importance à la qualité de vie. Le travail ne se résume pas à l'équation rémunération versus défi professionnel. Il faut un bon lieu de travail, un bon climat d'entreprise, une vie de famille, un bon milieu de vie. Et c'est précisément ce que nous essayons de bâtir pour Montréal et le Québec.