Une invention d'un chercheur de Polytechnique, qui pourrait prévenir des dizaines d'accidents routiers mortels et épargner de millions en dommages, fait l'objet d'une guerre à finir en Cour supérieure où s'affrontent les actionnaires de la petite firme Bio-Cogni Save, de Montréal.

Une invention d'un chercheur de Polytechnique, qui pourrait prévenir des dizaines d'accidents routiers mortels et épargner de millions en dommages, fait l'objet d'une guerre à finir en Cour supérieure où s'affrontent les actionnaires de la petite firme Bio-Cogni Save, de Montréal.

Bio Cogni-Save est insolvable depuis octobre et les investisseurs se battent pour savoir qui récupérera les droits sur l'invention: un ordinateur lié à une caméra infrarouge capable de détecter la somnolence chez les chauffeurs de camions longue distance et les prévenir avant qu'ils s'endorment au volant.

Pris dans le tir croisé, le seul client de Bio-Cogni Save, le transporteur routier Groupe Robert, attend que la Cour tranche pour savoir avec qui elle continuera à développer le SDS (Système de détection de la somnolence).

Le Groupe Robert raffine et teste le SDS depuis deux ans, et l'appareil est déjà à l'essai sur plusieurs camions.

Au début des années 2000, Bruno Farbos, associé de recherche à Polytechnique, travaille sur une solution au grave problème des chauffeurs de camion qui s'endorment au volant durant les longs trajets.

En juin 2004, il se fait présenter l'entrepreneur et investisseur David Caroni. Les deux Français d'origine s'associent.

Selon des documents de Cour, M. Caroni fournit assez de capital pour devenir actionnaire majoritaire et prend en charge la direction de Bio-Cogni Save, deux autres investisseurs mettent de l'argent, et M. Farbos reçoit des actions en échange de son innovation et de sa participation continue au développement du SDS.

Le produit doit encore être raffiné avant d'être commercialisable, mais Bio-Cogni avait néanmoins vendu 15 prototypes à l'important transporteur Groupe Robert, peut-on lire dans les documents de Cour.

Aujourd'hui, trois ans plus tard, MM. Farbos et Caroni ne s'entendent plus sur rien, sauf sur le potentiel commercial de l'idée: «Aussi bien en Amérique du Nord qu'en Europe, il y a une forte demande chez les transporteurs routiers», a dit à La Presse M. Caroni. Les camionneurs qui s'endorment au volant sont responsables du tiers des accidents mortels impliquant un poids lourd, ajoute-t-il.

«Aux États-Unis, on commence à traiter ces accidents de la même façon que l'alcool au volant.»

M. Farbos et un autre actionnaire de Bio-Cogni Save se sont maintenant joints à une firme concurrente, ECN Holding, de Montréal. Les actionnaires s'accusent mutuellement d'une litanie d'actions déloyales et les poursuites s'empilent en Cour.

M. Farbos et un autre actionnaire demandent à la Cour de mettre Bio-Cogni Save sous séquestre et d'ordonner sa liquidation judiciaire. M. Caroni, lui, a réagi en mettant lui-même sa firme en faillite et en cédant les biens au syndic de son choix.

M. Farbos, qui est en voyage en France et qui n'a pu être joint hier, a rempilé une autre poursuite visant à faire annuler la cession de bien.

Le syndic de la faillite de Bio-Cogni Save a pour sa part obtenu rien de moins que trois injonctions interdisant aux concurrents d'utiliser la technologie.

Chez le transporteur Groupe Robert, on a hâtivement annulé une démonstration publique du SDS, qui devait avoir lieu vendredi dernier et qui était présentée comme appartenant à la firme concurrente qui emploie maintenant M. Farbos.

«Le syndic (de Bio-Cogni Save) nous a signifié que la technologie appartient à la faillite et à personne d'autre», a dit mardi Jean-Yves Lessard, vice-président au Groupe Robert.

«Mais, nous, on continue à faire nos expériences, ces appareils sont à nous et c'est important. Et c'est un instrument qu'on pourrait mettre de l'avant dès que leur situation judiciaire va être réglée.»

Les audiences sur cette faillite litigieuse se poursuivent demain (jeudi).