Le secteur forestier connaît un sale temps. Les mauvaises nouvelles viennent de la majorité des papetières, de Domtar (T.UFX) ou de Kruger.

Le secteur forestier connaît un sale temps. Les mauvaises nouvelles viennent de la majorité des papetières, de Domtar [[|ticker sym='T.UFX'|]] ou de Kruger.

La dernière en date, AbitibiBowater [[|ticker sym='T.ABH'|]], a annoncé la semaine dernière la suppression de 2600 emplois dans des usines en Ontario, aux États-Unis, mais aussi au Québec.

C'est toujours ou à peu près la même réthorique : le marché est dur, le Canada n'est pas compétitif, le coût de l'énergie mange les profits et les économies émergentes pèsent de plus en plus lourd dans la balance.

Avec ce marché instable, les pressions sont fortes sur le politique. Et celui-ci réagit souvent.

Vendredi passé, la chef du Parti Québécois, Pauline Marois, est venue à la rescousse du secteur. Elle a proposé que le gouvernement du Québec récupère, pour au moins un an, le pourcent de baisse de la taxe de la TPS du fédéral en haussant la TVQ.

Selon elle, Québec pourrait aller chercher 1,1 G$ afin d'aider le secteur forestier. Une semaine auparavant, le gouvernement Charest annonçait une aide de 50 M$, encore là pour venir en aide à l'industrie.

Plus que jamais, est-ce que l'aide de l'État est devenue nécessaire pour ce secteur ?

Pour certains experts, cette aide gouvernementale s'apparente plutôt à un coup d'épée dans l'eau. C'est notamment ce que pense Louis Hébert, professeur de gestion à HEC Montréal.

«Le secteur forestier a des besoins immenses, c'est comme un puit sans fond. On pourrait investir des milliards et ça ne réglerait pas le problème. Dans les faits, l'industrie n'est pas concurentielle», affirme le professeur.

Selon lui, même avec de l'argent neuf, les entreprises vont continuer de fonctionner à perte.

Luc Bouthillier, professeur à l'Université Laval et économiste forestier, croit à l'inverse que l'aide gouvernementale peut supporter l'industrie.

«Il faut continuer à investir. Le Québec, c'est un pays forestier, les arbres ne déménageront pas en Chine», s'exclame-t-il.

«C'est un matériel de l'avenir, les gouvernements doivent continuer de s'intéresser à ça», poursuit-il.

Le professeur de l'Université Laval croit notamment que le gouvernement fédéral doit aussi faire sa part.

Là où Messieurs Hébert et Bouthillier se rejoignent, c'est au niveau du constat : le Canada n'est pas compétitif sur le marché.

Et c'est notamment en raison du coût de la matière première qui est dispendieux, résultat d'années consécutives où on a planté des arbres de plus en plus loin dans le Nord Québécois.

«Au Québec, notre philosophie c'était de cueillir, pas de faire pousser des arbres. Au lieu de ça, on a décidé de planter toujours plus au nord», affirme M. Bouthillier.

Deux problèmes se posent alors. Les arbres sont plus petits et la ressource est difficile à atteindre.

«Prenez Kruger par exemple, ils vont chercher les arbres à côté de l'Île René-Levasseur dans le Lac Manicouagan. Si le camionneur travaille 12 heures, il ne peut faire qu'un trajet durant sa journée», illustre M. Bouthillier.

Celui-ci croit également que les différentes forestières travaillent en vase clos. Et surtout, l'industrie n'a pas été en mesure de gérer correctement la ressource.

«Il faut dire qu'avant, il y avait un grand marché, les papetières ont fait de l'argent. Mais la grande partie de ces profits a été versée en dividendes, et non en équipement», continue le professeur.

«Nos équipements datent des années 1920, donc faut pas se surprendre de voir que l'on ne soit plus concurrentiel», dit-il.

Pour Louis Hébert, ce n'est pas l'aide du gouvernement dont a besoin le secteur forestier. Mais plutôt d'une bonne dose d'innovation. Comprendre : des changements sont plus que souhaitables dans cette industrie.

«Notre secteur forestier effectue pour la plupart de la première transformation. Or, il s'agit d'un marché très compétitif. L'industrie semble incapable de trouver une valeur ajoutée à son produit, de se démarquer», affirme M. Hébert.

Selon le professeur, Cascades est une des papetières à avoir bien réussi sa transition.

«L'entreprise a évité de faire des produits de masse et s'est trouvée de plus petits marchés, une niche. En bref, Cascades s'est positionnée, s'est diversifiée et a trouvé sa valeur ajoutée», dit-il.

«Quand tes coûts sont élevés, ce n'est pas le temps de faire des produits de masse», poursuit-il.

Toutefois, M. Hébert n'est pas contre toutes les interventions du gouvernement, mais certaines devraient être plus ciblées.

«On pourrait injecter de l'argent, mais il faudrait que ce soit à l'intérieur d'une restructuration d'une entreprise qui veut se moderniser».

Pour Luc Bouthillier, il est également de la responsabilité du gouvernement d'augmenter les connaissances et compétences des travailleurs plus âgés. Pour permettre, notamment, le transfert de connaissances avec les plus jeunes.

«Pour la nouvelle génération d'entrepreneurs, la connaissance de ces travailleurs forestiers est vitale», dit-il.

Mais les obstacles du secteur sont nombreux, admettent les experts. Ironie totale, l'industrie, elle-même, a souvent été sa pire ennemie.

«C'est une vieille industrie. Le problème dans ces cas-là, c'est que tu conserves de vieilles manières de penser», indique M. Bouthillier.