Cet été, les amateurs de Harry Potter connaîtront enfin le dénouement des aventures du jeune magicien britannique.

Cet été, les amateurs de Harry Potter connaîtront enfin le dénouement des aventures du jeune magicien britannique.

Le septième et dernier tome de la série, qui sort en librairie le 21 juillet, risque de battre tous les records de ventes.

Environ 12 millions d'Américains achèteront Harry Potter and the Deathly Hallows, tandis que 1,5 million de personnes se procureront la version canadienne. Ils liront évidemment la même histoire.

Mais les Canadiens paieront leur livre 13% plus cher que leurs voisins du Sud, même en tenant compte du taux de change. Le malheur des lecteurs de Harry Potter est celui de tous les consommateurs canadiens.

Selon une étude de la Banque de Montréal, les Canadiens paient en moyenne 10% plus cher que les Américains après avoir tenu compte du taux de change.

Un exemplaire du New York Times coûte 23% plus cher au Canada. Une Honda Accord, 14%. Un BlackBerry, 10%.

Les Canadiens ont vu leur huard s'apprécier de 4,6% par rapport au billet vert américain au cours de la dernière année. Et pourtant, ils ne voient pas de différence à la caisse. Leur devise a pris de la valeur, mais pas leur pouvoir d'achat.

«Les consommateurs se font-ils avoir? En tout cas, ils ne bénéficient pas de la hausse du dollar canadien. C'est inexplicable et nous voulons que les détaillants nous donnent l'heure juste. Quand la tendance est à l'inverse, les détaillants n'hésitent pourtant pas à refiler rapidement la baisse du dollar canadien aux consommateurs», dit Michel Arnold, directeur général d'Option consommateurs, un organisme voué à la protection des droits des consommateurs.

C'est en achetant une carte d'anniversaire – et en remarquant son prix de 5$ aux États-Unis et de 8$ au Canada – que l'économiste de la BMO Marchés des capitaux, Douglas Porter, a eu l'idée de comparer le prix d'une quinzaine de biens de consommations au Canada et aux États-Unis.

Selon son étude, les prix sont en moyenne 10% plus élevés au Canada en utilisant le taux de change moyen des 18 derniers mois. L'écart moyen atteint 17% avec le taux de change en vigueur le 15 juin dernier, le jour où l'étude de Douglas Porter a été publiée.

«Ça explique en partie pourquoi les profits des entreprises ont été aussi élevés au cours des dernières années», a dit l'auteur de l'étude The Prince Is Wrong au quotidien torontois The Globe and Mail.

Les devises se négocient 24 heures par jour, sept jours sur sept sur les marchés internationaux. Et pourtant, les consommateurs canadiens attendent depuis des mois des prix reflétant la récente montée du huard.

«J'aimerais ça qu'on profite plus de la hausse du dollar canadien comme consommateurs, mais les entreprises n'adaptent pas constamment leurs prix aux derniers développements sur le marché des devises», dit François Barrière, vice-président du marché des devises à la Banque Laurentienne.

«Les entreprises font leurs achats pour les Fêtes entre neuf et douze mois d'avance. Elles ont donc presque un an de retard en matière de taux de change», dit Peter Woolford, vice-président à la recherche et au développement du Conseil canadien du commerce au détail.

Selon François Barrière, de la Banque Laurentienne, il faut diviser les entreprises en deux groupes. Celles qui ne peuvent pas baisser leurs prix – parce que leurs dépenses sont en dollars canadiens. Et celles qui ne veulent tout simplement pas baisser leurs prix – parce qu'elles n'y voient aucun avantage sur le plan financier.

Ce sont ces dernières, celles qui importent des produits des États-Unis, qui doivent être montrées du doigt par les consommateurs. Avec la hausse du dollar canadien, leurs dépenses sont en baisse et leurs profits en hausse.

«Aucune entreprise ne va baser sa stratégie d'affaires sur une réduction de prix qui ne lui apporterait pas aucun revenu supplémentaire, dit M. Barrière. Business Week pourrait baisser son prix de 4,99$ à 3,99$, mais les gens sont habitués de payer 4,99$ et l'entreprise ne vendrait pas plus de magazines à 3,99$. En plus, il ne faut pas oublier qu'il manque de concurrence dans certains secteurs au Canada.»

Le Conseil canadien du commerce au détail soutient qu'il en coûte plus cher de faire des affaires au Canada. «Les coûts de loyer, de main-d'oeuvre et de transport sont plus élevés qu'aux États-Unis, dit Peter Woolford. Et le marché est plus petit.»

Benoît Durocher appuie la thèse des commerçants.

«Le Canada est un marché équivalent à la région métropolitaine de New York, dit l'économiste du Mouvement Desjardins. C'est évident qu'il y a plus de consommateurs dans une librairie à New York que dans une librairie à Montréal. Et qui dit un plus grand nombre de consommateurs dit de meilleurs prix.»

Les prix au Canada sont tout de même un peu plus concurrentiels depuis quelques années, soutient M. Durocher. Selon Statistique Canada, les biens et services importés au Canada coûtent 9,6% moins cher qu'il y a cinq ans. Or, le huard s'est apprécié de 38,7% sur le billet vert américain pendant la même période.

Afin de profiter pleinement de la hausse du dollar, les consommateurs canadiens n'ont plus qu'une solution: magasiner aux États-Unis.

Depuis mars dernier, le Canada permet de ramener des biens d'une valeur de 400$ — au lieu de 200$ — sans payer de droits de douane après un voyage d'au moins 48 heures. «Il faut que les consommateurs profitent eux-mêmes de la hausse du dollar en allant acheter aux États-Unis», dit François Barrière.

Les amateurs de Harry Potter qui veulent profiter de la force du dollar devront donc se pointer le nez dans une librairie de l'État de New York ou du Vermont.

Même les apprentis sorciers de l'école de Poudlard resteraient perplexes devant un phénomène aussi bizarre. Même dans l'univers étrange des moldus...