L'entente conclue par Alcan (T.AL) avec le gouvernement du Québec pour conserver ses droits hydrauliques ressemble fort à une pilule empoisonnée destinée à décourager les offres d'achat hostiles comme celle d'Alcoa.

L'entente conclue par Alcan [[|ticker sym='T.AL'|]] avec le gouvernement du Québec pour conserver ses droits hydrauliques ressemble fort à une pilule empoisonnée destinée à décourager les offres d'achat hostiles comme celle d'Alcoa.

C'est le conseil d'administration d'Alcan qui doit juger si l'acheteur a vraiment l'intention de maintenir son siège social au Québec et de respecter les autres engagements pris par l'entreprise, prévoit l'entente dont les détails ont été rendus publics jeudi.

L'entente a été signée le 13 décembre 2006, soit quelques semaines après l'échec des négociations de fusion entre Alcoa et Alcan, qui ont pris fin en novembre.

Elle engage l'entreprise à maintenir sa principale place d'affaires au Québec, avec un niveau d'emplois et d'activités «similaires à ceux d'Alcan à ce moment».

En contrepartie, Alcan a reçu le droit de produire de l'électricité jusqu'en 2058 à moins d'un cent le kilowattheure, deux blocs d'énergie totalisant 560 mégawatts à tarif très bas d'Hydro-Québec et un prêt sans intérêt de 400 millions du gouvernement du Québec pour sa future usine d'Alma.

En cas de changement de propriété, l'entente prévoit que «tout acquéreur éventuel(...) doit démontrer à la satisfaction du conseil (d'Alcan) que par suite ou en conséquence d'une telle acquisition, il n'y a pas de motif raisonnable de croire que les engagements d'Alcan (...) seront diminués ou compromis de quelque façon importante».

En fait, dans le cas d'une offre d'achat hostile comme celle d'Alcoa, le conseil d'Alcan pourrait très bien estimer que les engagements de l'acheteur envers le Québec sont moindres que ceux qu'Alcan avait pris, et faire ainsi échouer la transaction.

Alcan a nié avoir voulu se protéger d'une prise de contrôle hostile avec cette entente. «C'est à l'initiative et à la demande du gouvernement qu'Alcan a signé cette entente, a rétorqué la porte-parole Anik Michaud. C'est loin, loin, loin d'être une pilule empoisonnée».

La porte-parole d'Alcan reconnaît toutefois que c'est le conseil d'administration d'Alcan qui doit faire une recommandation au gouvernement sur les intentions de l'acheteur au sujet du maintien des activités au Québec.

Alcoa, de son côté, refuse de commenter cette disposition en particulier, mais elle n'est pas du tout refroidie par le contenu de l'entente.

«Nous sommes d'avis que ce que nous proposons rencontre déjà dans une large mesure ce qui est prévu dans l'entente», a commenté jeudi le porte-parole d'Alcoa, Pierre Després.

Alcoa propose que la nouvelle compagnie issue de la fusion ait deux sièges sociaux, l'un à Montréal pour la première transformation du métal et l'autre à New York pour le reste des activités.

Le siège social de Montréal gérerait des revenus annuels de 32,3 milliards $US et 38 000 employés, ce qui est plus qu'Alcan aujourd'hui, a souligné Pierre Després.

En réalité, le chiffre d'affaires actuel d'Alcan est moins élevé, à 23,6 milliards, mais son effectif est plus élevé, à 65 000.

Le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, n'avait pas prévu la proposition du double siège social, mais il ne semble pas réfractaire à l'idée.

Le président de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, a jugé de son côté que la proposition d'un double siège social n'était «pas farfelu».

Jeudi, le ministre Bachand a répété que l'intention de son gouvernement n'est pas d'empêcher une prise de contrôle d'Alcan, mais de s'assurer que l'acheteur respecte les engagements pris par Alcan «pour des décennies à venir».

La conséquence du non-respect de ces engagements, «c'est la remise en question des droits hydrauliques et des tarifs préférentiels», a-t-il dit.

Il s'agit d'une entente qui vaut des milliards de dollars que tout acheteur voudra préserver, selon lui.