Chaque jeudi, La Presse Affaires présente des gens qui s'illustrent par leur créativité et leur sens de l'innovation en affaires. Leurs idées, leurs produits et leurs façons de faire nous séduisent, leur parcours vous inspirera.

Chaque jeudi, La Presse Affaires présente des gens qui s'illustrent par leur créativité et leur sens de l'innovation en affaires. Leurs idées, leurs produits et leurs façons de faire nous séduisent, leur parcours vous inspirera.

Le kangourou n'a rien de colombien. N'empêche qu'on l'associe tout naturellement à Diana Parada. Le marsupial est réputé pour sa capacité hors du commun de bondir en avant. Tout comme Mme Parada qui, en trois ans, a fait bondir le nombre de points de vente de ses produits de un - sur le Web - à 120, disséminés dans le monde entier.

Bien sûr, avec ce nom d'entreprise "Maman Kangourou", le lien le plus fort entre l'animal et la jeune femme réside dans le produit en soi. Un produit tout simple. Un porte-bébé fabriqué de grandes bandes de tissus inspiré de ceux traditionnellement portés par les femmes de la Colombie natale de Diana Parada. L'été dernier, vous avez certainement croisé dans la rue des poupons trimballés dans l'un d'eux. Bien emmailloté sur le ventre de son père ou de sa mère, lové le plus près possible de son parent. Comme s'il reposait encore en son sein. Comme un bébé kangourou dans la poche de sa mère.

Volonté d'insertion sociale

Diana Parada s'est lancée en affaires pour tromper l'ennui. Psychologue de formation, elle ne peut pratiquer lorsqu'elle débarque au Canada, en 1997, avec son mari, un Québécois rencontré en Colombie. Les journées sont longues. "J'étais devenue l'épouse de... la mère de... mais j'avais un peu perdu mon identité à moi", raconte-t-elle.

C'est donc enceinte de son deuxième enfant, Nicolas, qu'elle décide de partir sa petite entreprise. Pour vendre quoi? Ce n'est pas encore clair. Elle pense à des cartes de souhaits, mais ce n'est pas assez original à son goût. Puis le petit naît... qu'elle promène un peu partout dans son porte-bébé fait main pendant sa grossesse, alors qu'elle était sans doute un peu nostalgique de la Colombie.

Le déclic est immédiat. Dans la rue, à l'école, on l'accoste, la questionne, la complimente. Et surtout, on lui passe ses premières commandes. "J'ai compris à ce moment-là que je répondais à un besoin, ma voie était toute tracée."

Diana Parada vit alors au Canada depuis six ans. Elle ne croît pas que sa situation d'immigrée lui ait nui, au contraire. En 2004, elle remporte trois prix d'entreprenariat décernés par le gouvernement du Québec, dont un qui lui permet d'aller s'exposer en 2005 au salon Baby-boom de Bruxelles, lui ouvrant toutes grandes les portes du marché européen. Depuis, ses produits se vendent à Paris, Bruxelles, Helsinki, Amsterdam, etc.

Maman Kangourou compte 11 employés - et deux postes doivent être comblés. Diana Parada rêve d'avoir pignon sur rue en Europe, ce qui n'est pas impossible. Elle revient tout juste d'une deuxième visite au salon de Bruxelles, où elle a eu droit à son propre stand. Et elle en a rapporté une invitation au salon de Paris l'an prochain.

"Je n'ai rien inventé, note-t-elle humblement. Je me suis simplement inspirée ce qui existait chez moi et dans la plupart des communautés autochtones." Même au Canada, remarque-t-elle, les Inuits avaient développé des techniques très semblables.

Diana Parada veut perpétuer ces traditions pour le bien-être des enfants, plus que par souci de préservation d'une identité culturelle. Elle assure que le fait de garder son bébé sur soi, plutôt que dans une poussette, aurait des effets bénéfiques sur sa stimulation intellectuelle. "On peut lui parler plus facilement, voir ce qui accroche son regard et le lui décrire, ce qui stimule le langage. On facilite aussi le développement d'une complicité entre l'enfant et son père, qui n'a pas eu la chance de le porter."

Philosophie d'entreprise sociale

Les porte-bébés sont vendus 50$ en moyenne. Seul le modèle Mola se détaille un peu plus cher - 100$ - parce qu'il est décoré d'une broderie traditionnelle colombienne. Les autres sont faits d'un mélange de coton et de polyester - à la suggestion de Santé Canada pour des raisons de sécurité. Cela lui permet de maintenir des prix accessibles. "J'étais travailleuse communautaire chez moi", rappelle-t-elle. Mme Parada a ainsi mis sur pied un programme d'aide aux jeunes mères céliobataires dans le besoin. Elle leur offre des porte-bébés (certains gratuitement, d'autres à rabais) en vertu d'ententes avec des groupes d'aides de la région de Gatineau. Des sessions d'information sur les théories du développement de l'enfant - ouvertes à tous les parents, peu importe leur condition - sont aussi offertes gratuitement.

Puis, n'oubliant pas ses racines, elle se fait un devoir de donner ses contrats de couture à des immigrantes ayant du mal à trouver un emploi. Il s'agit le plus souvent de nouvelles mamans. Mme Parada leur prête au besoin l'argent requis pour acheter une machine à coudre. "Elles peuvent commencer à gagner un peu d'argent, et accélérer leur insertion dans la société québécoise", dit-elle. Conquise par le Québec, Diana Parada veut conquérir le monde. Mais à sa façon. En aidant son prochain. Dès les premiers jours de sa vie.

Infos: www.mamankangourou.com

LE CONCEPTQui? Diana Parada

Quoi? Maman Kangourou, une entreprise de fabrication de porte-bébés traditionnels, établie à Gatineau

On aime:

> La débrouillardise de cette Colombienne qui, par sa grande volonté, a su se tailler une place dans la société québécoise.

> Sa façon d'aider les immigrantes et les jeunes mères célibataires.

> Le souci de perpétuer une tradition autochtone, adapté au style de vie moderne des parents d'aujourd'hui.