Le Canada traverse une période de grands changements structurels sur le plan économique au point où il devient difficile, voire périlleux d'évaluer son potentiel de croissance. Cela complique la tâche de la Banque du Canada quand elle doit juger si son taux directeur permet d'atteindre sa cible d'inflation de 2% sur un horizon de deux ans.

Le Canada traverse une période de grands changements structurels sur le plan économique au point où il devient difficile, voire périlleux d'évaluer son potentiel de croissance. Cela complique la tâche de la Banque du Canada quand elle doit juger si son taux directeur permet d'atteindre sa cible d'inflation de 2% sur un horizon de deux ans.

"Le problème avec la notion de potentiel de croissance, c'est qu'on ne peut l'observer directement", note David Tulk, économiste au Groupe financier Banque TD. La banque centrale, tout comme les institutions financières privées, recourt donc à des modèles théoriques plus ou moins complexes qui se heurtent de temps à autres au diktat implacable de la réalité dont on prend connaissance après coup au moyen de données statistiques.

Depuis le début de la décennie, la Banque a changé plusieurs fois son évaluation du potentiel de croissance, c'est-à-dire le rythme optimal d'expansion économique sans générer des pressions inflationnistes.

Cet automne, elle le ramenait 3% à 2,8% pour cette année jusqu'en 2008, en invoquant des gains de productivité plus faibles que ce qu'elle avait escompté jusque là.

Pareil affaiblissement survient souvent quand l'économie est en plein bouleversement, rappelle M. Tulk.

Depuis 2003, la monnaie canadienne s'est appréciée tout comme ont grimpé les prix du pétrole, du gaz naturel et des métaux de base à cause de la demande chinoise dont les entreprises arrachent des parts de marché aux nôtres tant ici qu'à l'étranger.

Le commerce international, source de croissance de l'économie canadienne durant toute la dernière décennie du siècle dernier, est devenu une source de ralentissement de l'économie car les exportations réelles nettes du Canada diminuent.

"Aujourd'hui, l'excédent commercial n'est maintenu que par les hausses affichées par deux secteur seulement, soit celui de l'énergie et celui des biens industriels", fait remarquer Philip Cross, analyste à Statistique Canada qui vient de réaliser une étude sur la balance commerciale canadienne depuis 2002. Ce sont ces deux seuls secteurs qui compensent la détérioration des soldes commerciaux de l'automobile, des biens de consommation, des produits forestiers, des aliments et de la machinerie.

L'évaluation précise du potentiel de croissance revêt la plus haute importance. Au bout du compte, c'est elle qui déterminera si la Banque augmentera ou abaissera son taux d'intérêt directeur qui se répercute sur les coûts d'emprunts des entreprises et des particuliers.

Si la croissance est plus faible que le plein potentiel, il se crée un écart négatif. Pour l'enrayer, la banque centrale tente de stimuler l'économie en abaissant le loyer de l'argent. À l'inverse, si la croissance excède le potentiel, l'écart devient positif et susceptible de générer de l'inflation. La Banque resserre alors les conditions de crédit pour freiner la croissance.

Plus les écarts sont grands et plus il est facile de prédire la conduite de la politique monétaire de la banque centrale.

Dans le présent contexte où l'écart est faible, c'est plutôt mal aisé. Pour compliquer l'écheveau, tant la Banque du Canada que la Réserve fédérale américaine ont abaissé cet automne ce qu'elles considèrent le potentiel de leur économie respective en même temps que leurs économies ralentissaient.

Bref, le présent ralentissement ne crée pas automatiquement un écart de production négatif. Voilà pourquoi les deux autorités monétaires n'ont toujours pas montré d'intention d'abaisser leur taux directeur.

Depuis la décision de la Banque du Canada d'abaisser le potentiel de notre économie, le huard a légèrement faibli tout comme les prix de l'énergie et des métaux de base. Bref, les changements structurels entrent peut-être dans une phase plateau.