Des cibles moins alléchantes. Des emprunts plus coûteux. La conclusion s'impose d'elle-même: la frénésie des fusions et acquisitions tire à sa fin.

Des cibles moins alléchantes. Des emprunts plus coûteux. La conclusion s'impose d'elle-même: la frénésie des fusions et acquisitions tire à sa fin.

Le pessimisme a même gagné le milieu de la haute finance. Selon un sondage ACG-Thomson DealMakers, 75% des professionnels du milieu financier aux États-Unis préfèrent vendre. Seulement 13% d'entre eux se disent encore acheteurs.

«Beaucoup de transactions impliquent des fonds d'investissements privés, qui ont la réputation d'aller à la limite de ce qu'ils peuvent payer, dit Luc R. Fournier, gestionnaire d'actions canadiennes à l'Industrielle Alliance. Tout le monde commence alors à penser que c'est le temps de vendre parce que le marché est cher.»

Les occasions de vente n'ont pas manqué durant la première moitié de l'année 2007.

Selon ACG-Thomson DealMakers, les fusions et acquisitions ont représenté des transactions de 2700 milliards US sur les marchés mondiaux. Il s'agit d'un record pour une période de six mois et une hausse de près de 70%.

Depuis le début de l'année, le Canada a contribué au marché des fusions et acquisitions à hauteur de 310 M$, soit environ 10% de la valeur des transactions mondiales.

«C'est énorme car la moyenne canadienne tourne habituellement entre 5% et 6%, dit Vincent Delisle, stratège chez Scotia Capitaux. Le phénomène se vit à l'échelle mondiale, mais ça fait davantage partie de notre quotidien au Canada.»

L'impact des fusions et acquisitions s'est fait sentir à la Bourse de Toronto, en hausse de 13,3% depuis le début de l'année.

«Entre 2002 et le milieu de 2006, les hausses de la Bourse canadienne s'expliquaient par des facteurs économiques fondamentaux: la croissance économique, le prix des ressources naturelles, etc. Depuis un an, l'économie va toujours bien, mais le marché a atteint des nouveaux sommets grâce aux fusions et acquisitions», dit M. Delisle.

Des capitaux en réserve

Les 1011 intervenants du milieu financier américain interrogés par ACG-Thomson DealMakers sont particulièrement inquiets de leurs conditions d'emprunt.

Environ 68% d'entre eux croient que le marché des emprunts se détériorera durant la prochaine année, comparativement à 11% qui prédisent le contraire et 22% qui optent pour le statu quo.

«Beaucoup d'acquisitions ont été financées par des dettes, dit M. Delisle. Quand les taux d'intérêt vont continuer à monter, les transactions vont être plus difficiles à conclure. Quebecor vient d'essuyer un refus du marché il y a quelques semaines. Kolberg Kravis Roberts (KKR) a aussi eu de la difficulté à financer une acquisition par dette cette semaine en Europe.»

Malgré le nuage qui guette le marché des emprunts, le milieu financier américain croit que les sociétés d'investissements privés auront des réserves suffisantes pour continuer leur magasinage.

Environ 43% des professionnels interrogés par ACG-Thomson DealMakers pensent que ces réserves de capitaux seront le principal moteur du marché des fusions et acquisitions au cours de la deuxième moitié de l'année 2007.

«Le vent (des fusions et acquisitions) n'a pas fini de souffler, dit M. Delisle. Il ne va prendre fin que lorsque les profits ne seront plus au rendez-vous. Les firmes d'investissements privés ont de l'argent et elles s'en servent pour faire ce qu'on leur demande: acheter des entreprises. Elles vont en acheter jusqu'à ce qu'elles fassent des erreurs. Elles en font mais leur moyenne au bâton est encore excellente.»

Selon ACG-Thomson DealMakers, les secteurs les plus recherchés en matière de fusions et d'acquisitions aux États-Unis sont les technos (23%), la santé et les sciences de la vie (17%) ainsi que le secteur manufacturier et de la distribution (15%).

Au Canada, d'autres secteurs devront prendre la relève du secteur des ressources naturelles, qui fut le théâtre de plusieurs acquisitions au cours des derniers mois. La dernière visait Alcan, acquise la semaine dernière par la société anglo-australienne Rio Tinto.

«La deuxième moitié de 2007 et l'année 2008 dépendront du secteur de l'énergie, dit M. Delisle. À la surprise générale, ce secteur a été épargné par les fusions et acquisitions jusqu'à maintenant. Nous ne pourrons pas maintenir le rythme si l'énergie et les financières, deux de nos secteurs boursiers les plus importants, n'embarquent pas (dans la vague des fusions et acquisitions).»

Luc R. Fournier pense que les acquéreurs potentiels feront preuve de plus de retenue au cours des prochains mois.

«Nous avons vu beaucoup de transactions cette année, dit le gestionnaire d'actions canadiennes à l'Industrielle Alliance. La liste des sociétés à acquérir commence à devenir moins intéressante. Dans le secteur des télécoms, il reste Telus. Mais ne pensez pas aux banques.»

«J'espère que le rythme ralentira, continue-t-il. Toutes ces transactions sont intéressantes à court terme pour les investisseurs, qui reçoivent une prime pour leurs actions. Mais ils doivent placer de nouveau leur argent à la Bourse. Et quand on enlève la crème, il ne reste que du petit lait.»