Le réchauffement de la planète profite à l'industrie des fonds éthiques en obligeant les gestionnaires à élargir leur vision du placement, affirme l'un des pionniers de l'industrie.

Le réchauffement de la planète profite à l'industrie des fonds éthiques en obligeant les gestionnaires à élargir leur vision du placement, affirme l'un des pionniers de l'industrie.

Le cofondateur de l'indice social Domini, Peter Kinder, soutient qu'à l'heure des changements climatiques, la responsabilité sociale n'est plus une considération externe au rendement mais plutôt un critère de rentabilité parmi d'autres.

«Les gens réalisent qu'elle fait partie de la décision d'investissement», a-t-il soutenu lors d'une rencontre avec des représentants du milieu financier québécois, la semaine dernière à Montréal.

«Si vous êtes un fonds de pension et que vous avez des placements immobiliers, vous ne voulez pas que des hausses de température entraînent des inondations», a-t-il illustré.

Président de la firme de recherche américaine KLD, M. Kinder a mis au point à la fin des années 80 le tout premier indice de responsabilité sociale, le Domini Social Index 400, qui est composé de 400 titres de grandes compagnies sélectionnées pour leur performance sociale.

KLD soutient avoir mis en évidence un lien entre les bonnes pratiques d'une entreprise et son rendement financier : pour la période de 1990 à 2002, l'indice Domini affiche de meilleures performances que le S&P 500.

L'investisseur socialement responsable aurait multiplié son patrimoine par quatre durant cette période, comparativement à 3,5 pour l'investisseur ordinaire, calcule la firme.

Une supériorité favorisée par l'essor certain du concept de responsabilité sociale.

«Quand j'ai commencé mes recherches (vers 1988), on me retournait un appel sur dix, et la personne qui me rappelait connaissait moins la compagnie que moi, a raconté Peter Kinder. Aujourd'hui, les cas de compagnies mal préparées à répondre aux questions sociales sont exceptionnels.»

Or, observe-t-il, l'investissement responsable connaît un nouvel accès de notoriété ces années-ci dans le contexte des peurs climatiques.

«On parle d'incorporation des critères éthiques dans la décision de placement, pas de substitution.»

Les actifs des fonds socialement responsables ont augmenté de 27 % en deux ans au Canada, pour atteindre 65,5 G$ en juin 2004, selon la Social Investment Organization. Les investisseurs institutionnels détenaient alors pour 25,4 G$ d'actifs sélectionnés selon des critères éthiques.

Quant aux particuliers, le total de leurs investissements serait passé de 9,9 G$ à 14,8 G$ dans le même intervalle.

Le nombre de ces fonds demeure limité au pays (quelques dizaines au plus sur une industrie qui compte un millier et demi de produits), mais différents experts soutiennent qu'ils offrent des rendements comparables dans l'ensemble, et parfois supérieurs, aux fonds ordinaires.

D'autres spécialistes maintiennent qu'un investisseur qui limite la diversification de ses placements pour des raisons éthiques le fait à ses risques et périls.

«C'est difficile de trouver de très bons fonds dans toutes les catégories nécessaires à un REER équilibré», soulignait par exemple l'analyste David O'Leary, de Morningstar Canada, en entrevue à LaPresseAffaires.com l'an dernier.

«Quelqu'un qui se limiterait aux fonds éthiques devrait savoir qu'il fait un sacrifice du côté de la performance. C'est déjà assez difficile comme ça de bâtir un bon portefeuille...»

Peter Kinder n'est pas d'accord. «Il y aurait un coût pour un investisseur canadien à exclure, par exemple, le secteur des ressources, expose-t-il. Mais il n'y en a pas à choisir les meilleures compagnies de ce secteur. Au contraire, à long terme, on évite le risque de problèmes de responsabilité environnementale.»

«De quelle diversification avez-vous vraiment besoin? fait-il valoir. S'il faut acheter le marché en entier, bien sûr que les fonds éthiques ne suffisent pas. Mais un portefeuille typique contient un maximum de 100 titres.»

M. Kinder admet toutefois un certain fondement à une autre critique faite aux fonds dits éthiques, à savoir que ce terme a sa part de subjectivité.

«Il n'y a pas de définition universellement acceptée de la responsabilité sociale, convient-il. Par exemple, les droits des animaux n'en font pas partie aux États-Unis, mais en Grande-Bretagne, oui.»