Le compromis entre le PQ et PLQ sort momentanément le Québec d'une crise politique, au grand soulagement de la population.

Le compromis entre le PQ et PLQ sort momentanément le Québec d'une crise politique, au grand soulagement de la population.

À y regarder de plus près, cependant, on constate que l'entente crée un trou financier pour le gouvernement de l'ordre de 200 millions en deux ans. Voici pourquoi.

D'abord, rappelons les faits. Le PQ a obtenu 60 millions de dollars pour les soins à domicile des personnes âgées, 30 millions pour les élèves en difficulté et 21 millions pour les régions ressources.

Au total, les demandes du PQ totalisent donc 111 millions par année. Ces dépenses sont récurrentes, c'est-à-dire qu'elles devront être prises en compte chaque année.

Or, La Presse Affaires a appris que le financement de ces mesures n'est pas récurrent. Il ne vaut que pour l'année en cours, essentiellement, et non pour les années suivantes.

Dans sa déclaration ministérielle, Monique Jérôme-Forget a indiqué que ce sont les institutions financières et les sociétés de raffinage de pétrole qui financeront les dépenses consenties au PQ. Pour ce faire, on augmente dès maintenant leur taux d'imposition de deux points de pourcentage, pour le faire passer de 9,9 à 11,9%.

Or, cette hausse du taux d'imposition n'est pas nouvelle, elle n'est que devancée de sept mois. Il était déjà prévu, dès janvier prochain, le taux d'imposition de ces industries augmenterait.

Autrement dit, à partir de janvier, l'argent de cette hausse de taux était déjà allouée à d'autres fins et non aux dépenses du PQ. Pour atteindre le déficit zéro l'an prochain, il faudra donc trouver une nouvelle source de financement (taxes, tarifs, droits, etc.)

En somme, les dépenses de 111 millions sont récurrentes, mais le financement ne l'est pas. À Québec, trois sources reconnaissent qu'il faudra trouver des fonds l'an prochain et les années suivantes pour financer le manque à gagner.

Legault n'est pas content

Le taux d'imposition était déjà censé augmenter à 11,4% en janvier prochain et à 11,9% l'année suivante, en janvier 2009.

Avec la déclaration de vendredi, cette augmentation à 11,9% entre plutôt en vigueur dès maintenant. Le manque à gagner précis est de 84 millions pour l'exercice 2008-2009 et de 111 millions pour les années suivantes. Sur deux ans, le trou est de 195 millions.

Joint au téléphone, le député péquiste François Legault n'avait pas saisi le tour de passe-passe des libéraux. «Si ce que vous me dites est vrai, il y a un problème. La récurrence du financement n'est pas assurée et ce n'est pas satisfaisant», a déclaré M. Legault.

Évidemment, une centaine de millions de dollars par année sur un budget de 61 milliards, c'est bien peu, soit l'équivalent de un sixième de 1%, fait-on valoir chez les libéraux. À eux seuls, les crédits inutilisés de fin d'année avoisinent souvent les 300 millions de dollars.

«C'est bien facile à dire, rétorque François Legault, mais les équilibres financiers sont déjà fragiles. Il manque déjà 250 millions dans deux ans pour atteindre le déficit zéro», dit-il.

En effet, jeudi matin, le ministère des Finances a présenté les équilibres financiers de 2009 à 2012, devant la crainte des observateurs économiques que le gouvernement se retrouve avec un trou de plus d'un milliard de dollars dès l'exercice 2009-2010.

Cette crainte venait de la baisse simultanée des impôts des contribuables et de la taxe sur le capital des entreprises.

Ces projections du Ministère prévoient un déficit de 259 millions en 2009-2010, mais des surplus de 193 millions en 2010-2011 et de 40 millions en 2011-2012. Évidemment, aucun économiste ne peut prédire ce qui arrivera dans si longtemps. L'économie pourrait ralentir plutôt que croître à un rythme réel de 2,5%, comme l'envisage le gouvernement.

Une «p'tite vite» au PQ?

Bref, dans le jeu des négociations, le PQ s'en est-il fait passer une "p'tite vite" ? François Legault s'en défend bien.

«On a toujours demandé que nos mesures soient financées par un changement dans les baisses d'impôt de ceux qui gagnent plus de 75 000$ par année. On était ouvert à une augmentation de la taxe sur le capital. Mme Jérôme-Forget avait été imprécise sur le financement parce qu'elle ne pouvait, pour des raisons juridiques, faire connaître des changements au budget avant l'annonce officielle», explique-t-il.

François Legault affirme que la non-récurrence du financement n'aurait pas davantage poussé le PQ à renverser le gouvernement.